Maldy Bonheur : La prostitution est structurée comme une secte

Lecture 5 min – Témoignage


Maldy est une survivante de la prostitution. Il y a plusieurs années, pour libérer la parole des victimes de prostitution trop souvent silenciées, elle témoignait. Lors d’un colloque organisé par la Sénatrice Dinah Derycke, des militants pro-proxénétisme violents ont revendiqué avec agressivité le statut de « travailleuses du sexe ». Ayant des difficultés à s’exprimer en public, « Maldy Bonheur », qui avait quitté la prostitution depuis plus de vingt ans, est allée leur parler à la fin de la séance. Elle a été reçue avec une extrême violence car elle osait critiquer leur position. Quinze jours plus tard, Maldy souffrait d’un zona auriculaire qui engendra une paralysie faciale. Aujourd’hui, nous lui rendons femmage.

J’ai tourné la page.

Longtemps j’ai espéré que l’on comprenne ce que je ne pouvais pas dire.
Jusqu’au jour où mes cris dans le silence ont été écoutés.
Merci à celles et ceux qui m’ont tendu la main. 


Notre famille a sombré dans le quart monde à cause de la guerre d’Algérie. Mon père parti à la guerre, il est sans ressources et nous, les enfants, nous sommes dispersés dans les foyers de la DASS.

Au centre du silence la peur et la violence.
À 16 ans : je suis brutalement agressée par quatre hommes. J’ai cru qu’ils en voulaient à mon sac. Mais non, je me trompais. C’est à ma peau qu’ils en ont voulu. Ils m’ont frappée, violée et ils m’ont laissée dans le coma.
Le viol est vécue comme une mutilation. Cet acte équivaut à subir la castration. La personne violée est détruite à jamais.
La peur et la haine des hommes engendrent souvent un sentiment de vengeance.
Tout comme les militaires se servent du viol comme arme de guerre pour détruire leur adversaire, l’une des stratégies du milieu est d’organiser des viols collectifs dans le but de fragiliser de futures recrue pour la prostitution.

Dans la prostitution, l’ amour et la liberté n’existent pas . Il n’y a que haine, mépris, vengeance, intérêt et violence.
Non, la prostitution n’est pas un métier. Elle est une atteinte à la dignité humaine !

Les individus qui affirment le contraire sont des personnes aveuglées par l’argent, manipulées par les proxénètes.
Dans la prostitution, les êtres humains sont des marchandises exploitées et dominées par des hommes pour des hommes.

Les proxénètes s’intéressent surtout aux très jeunes, car d’une part elles sont plus influençables et d’autres part cela correspondent à la demande des clients.

Quels sont les mobiles des hommes pour l’achat du sexe ?

Prostituée, j’ai vendu des morceaux de mon corps, mais jamais mon âme.
On entend partout qu’il faut savoir se vendre, vendre sa force de travail, sa matière grise, son savoir faire. Mais que faire quand personne n’en veut ? C’est là que le milieu intervient, profitant de la fragilité matérielle et affective des individus, rejetés par notre société et son fonctionnement élitiste. Le milieu offre à ces laissées-pour-compter l’illusion d’un monde meilleur où l’argent rend tout plus facile.

Le milieu est structuré comme une secte, recrutant des femmes qu’ils conditionnent à la drogue, au vol, à la prostitution. Une fois pris au piège, il est presque impossible de s’en échapper.
La prostitution entraînera l’individu dans l’alcoolisme et dans la drogue, pendant que d’autres auront recours à la prostitution parce qu’elles se droguent.

Sans aide, nous ne pouvons ni les unes ni les autres nous en sortir. Nous aider à s’en sortir, c’est bien, mais nous aider à ne pas y entrer, c’est ça l’objectif. Vous, enseignantes, travailleuses médico-sociaux et militantes, essayez de comprendre ce que les exclues, les opprimées, les réprimées et les humiliées ne peuvent pas vous dire.
Pour satisfaire ses fantasmes, le « consommateur » recherche, achète, viole, souvent même assassine des enfants de plus en plus jeunes. Pour sa seule jouissance. La misère sexuelle, ainsi que la certitude que l’argent peut tout acheter font que certains individus perdent toutes conscience morale et ne se sentent pas coupables. Les carences éducatives et affectives ôtent toute idée du respect de l’autre.
Afin que les hommes changent leur comportement sexuel, il faut combattre les causes qui les amènent à être clients.

Ma rébellion

Je ne suis plus votre marchandise. Je veux me libérer de vous. Je veux retrouver ma dignité.


PAS DE CLIENTS : PAS DE PROSTITUTION !
PAS DE PROSTITUTION : PAS DE CLIENTS !

Il faut détruire le pouvoir de l’argent. Créer des lieux de vie pour les personnes en difficulté. Réquisitionner les logements vides pour les sans-logis. Réouvrir dans chaque département des services de prévention et de réadaptation sociale.
Le proxénétisme exerce un pouvoir, une influence politique et économique. Sans le soutien financier de la clientelle prostituée, le milieu perdrait sa raison d’être (l’argent) et s’effondrerait de lui-même.

J’espère humblement qu’il se trouvera des personnes de progrès pour empêcher notre esclavage.
Tout comme les organes et le sang, les sexes ne devraient pas être commercialisables. Toute partie du corps humain mérite d’être respectée.
Pour une reconnaissance, pour se reconstruire, le temps se compte en très longues années de thérapie, et d’énormes efforts pour arriver à se réconcilier avec les hommes.

La mémoire n’oublie jamais. Mais avec le temps, les maux peints et les mots dits se cicatricent. (…)

La disparition de la prostitution dépend d’une volonté individuelle et collective, mais surtout d’une volonté économique et politique. On peut qualifier l’Etat de proxénète.
Article 334 qui profite.
Article 335.1 qui contraint.
Article 335.2 qui empêche la réinsertion.
Pourquoi les personnes prostituées sont-elles fiscalisées comme une « profession » avec impôts sur les bénéfices, TVA, taxe professionnelle, URSSAFF… ?
Sur quelle base l’administration calcule-elle le montant de l’imposition ?
 
Car je crois que, tout comme la guerre, la prostitution s’organise avec la peau des autres.

Publié par COLLECTIF CAPP

Collectif de survivantes de la porno prostitution et de féministes radicales.

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