PROSTITUTION: Jamais assez jeunes

Interview de Kylee Gregg par Francine Sporenda sur son blog revolutionfeministe.wordpress.com


En 2018, Kylee Gregg a 18 ans et elle est étudiante en Licence dans un « college » aux Etats-Unis. Elle se définit comme lesbienne féministe radicale et dirige l’association « Womyn Unleashed » que vous pouvez trouver sur Facebook et à womynunleashed@gmail.com

FS : Pouvez-vous nous dire comment vous avez été trafiquée dans la prostitution ?

KG : J’avais 10 ans quand j’ai été trafiquée pour la première fois. Je présentais tous les critères d’une enfant extrêmement vulnérable, ce qui est très fréquent chez les victimes de trafic. J’avais déjà été victime d’abus sexuels plusieurs années auparavant, et mon père et ma mère venaient de divorcer, ce qui fait ce que je suis restée seule avec ma mère maltraitante. Je n’étais pas en sécurité à la maison, et il lui arrivait souvent de me jeter dehors, dans les rues de ma petite ville. J’ai dû me débrouiller toute seule très jeune et ça a créé une ouverture qui a permis aux trafiquants de s’introduire dans ma vie.  Les principaux proxénètes à qui j’ai eu affaire étaient une famille. Ils utilisaient leur fils de 13 ans pour piéger des filles. J’ai été trafiquée dans la prostitution de type bordel. Ils m’amenaient aux clients dans des appartements, des maisons et des voitures.

FS : Quel genre d’hommes étaient les clients ?

KG : Les clients étaient des « Monsieur tout le monde », ils n’avaient presque jamais l’air de fous ou de pédophiles typiques, ils avaient des jobs normaux, ils menaient des vies normales, ils étaient parfaitement normaux. Ça me choque toujours autant, à quel point ces hommes étaient socialement intégrés—ces hommes qui payaient pour avoir des rapports sexuels avec une enfant. Ils n’avaient pas l’air de pédophiles, sauf quand ils étaient avec moi. Quand ils entraient dans la chambre, ou tout autre endroit où je me trouvais, ils laissaient tomber le masque, et quand ils avaient fini de me violer, ils le remettaient. Quand ils sortaient, ils n’étaient pas les pédophiles et les violeurs qu’ils étaient avec moi, mais des hommes d’affaires, des gardiens d’immeubles, des pères, des maris, des hommes qui allaient à l’église–ce qu’ils étaient pendant le jour.

FS : Le discours typique sur les clients, c’est « oh, ces pauvres hommes solitaires, ils n’ont personne dans leur vie, ils ont besoin d’affection etc. ». Mais ce que vous dites confirme que c’est de l’enfumage, parce que la plupart de ces hommes ont une vie, un job, une femme, des enfants…

KG : Ils ne ressemblent pas du tout à l’image qu’on a d’eux. Le discours qu’on a maintenant, c’est que la prostitution, c’est inoffensif, et que la pornographie, c’est cool. C’est définitivement de la propagande créée par les hommes qui trafiquent les femmes et les filles et les vendent aux clients contre leur volonté. Je veux vraiment insister là-dessus, parce que je pense qu’il y a beaucoup de gens qui veulent aider les filles victimes de trafic mais qui ne réalisent pas qu’ils leur font du mal s’ils défendent la pornographie et la prostitution.

FS : Est-ce que vous avez rencontré, ne serait-ce qu’une fois, des hommes choqués par votre très jeune âge ? Ils n’avaient aucun problème avec ça ?

KG : Plus tard, j’ai été vendue à des hommes qui recherchaient spécifiquement des filles très jeunes mais durant ma première année en prostitution, c’était essentiellement des clients « opportunistes » : ils auraient violé n’importe quelle fille ou femme—pourvu qu’ils puissent l’avoir à un bon prix. Je ne me rappelle pas qu’aucun homme ait fait demi-tour à cause de mon âge, peut-être ça s’est produit quand je n’étais pas là, quand ils donnaient l’argent aux proxénètes, mais aucun homme n’a changé d’avis quand il a vu que j’étais très jeune. Au contraire, pas mal d’hommes étaient très excités quand ils découvraient mon très jeune âge, je pourrais plutôt décrire l’expression de leur visage comme « agréablement surprise ». Une fois, j’ai même entendu un homme qui disait à mes proxénètes : « elle n’est pas si jeune que ça ! » Je devais avoir 12 ans à l’époque.

FS : Dans votre expérience, est-ce que les exigences des clients étaient influencées par la pornographie ?

KG : Elles l’étaient définitivement. J’ai eu souvent des hommes qui exigeaient que des films pornos soient projetés quand ils m’achetaient pour du sexe, ou qui voulaient essayer avec moi des scènes de porno qu’ils avaient vues chez eux. J’ai moi-même été utilisée dans des films pornos.

FS : Ça me surprendrait beaucoup qu’il y ait des prostitueurs qui ne regardent pas de porno.

KG : Oui, je dirais que la plupart ou même tous sont des consommateurs réguliers de pornographie, et que la pornographie est directement liée à la haine des femmes qu’il faut ressentir pour acheter des femmes pour du sexe.

FS : Pouvez-vous nous dire comment vous êtes sortie de la prostitution ?

KG :  J’ai pu échapper à mes trafiquants quand je suis partie de chez ma mère.  Mon père et moi avons organisé un plan pour que je puisse m’échapper de chez elle et vivre avec lui. Il ne savait pas que j’étais victime de trafic ni que j’avais été victime de violences sexuelles avant d’être trafiquée. J’avais très peur de le lui dire parce que je craignais qu’il ne me repousse, comme on m’avait laissé tomber quand j’avais demandé de l’aide à d’autres personnes. Ma mère m’avait traitée de « salope qui veut attirer l’attention » une des fois où je lui avais demandé de m’aider. Le « victim blaming » a été un problème pour moi quand j’ai voulu échapper à la prostitution. Mais finalement, quand j’ai pu m’échapper pour aller vivre avec mon père, j’ai pu échapper aussi à mes proxénètes.

FS : Cette personne de la famille qui vous a trafiquée, selon vous comment est-il entré dans le proxénétisme ?

KG : Je pense qu’on devient proxénète, pas qu’on est né comme ça, mais je ne sais pas très bien comment ça se passe. La famille qui m’a trafiquée, ce n’était pas des gens avec qui j’avais des liens de parenté. J’ai vu qu’ils élevaient leurs fils pour qu’ils entrent là-dedans, j’ai constaté que le patriarche de la famille, le grand-père, était celui qui organisait tout ça. Je ne sais pas comment il est devenu proxénète, mais il élevait ses enfants et ses petits-enfants pour qu’ils deviennent des proxénètes et des clients.

FS : Plusieurs autres personnes ex-prostituées m’ont dit qu’il y a des dynasties d’hommes qui sont proxénètes de père en fils et petit-fils, ils les élèvent pour être proxénète comme eux ; ça serait « de famille ».

KG : Oui, je pense que le mot « dynastie » est une bonne description.

FS : Autre chose que vous souhaitez ajouter en guise de conclusion ?

KG : Je voudrais insister sur la normalité de ces hommes parfaitement intégrés socialement. On a ces stéréotypes sur de quoi un pédophile ou un violeur doit avoir l’air—et ils ne sont pas du tout exacts. Ces hommes sont très ordinaires—mais ils consomment beaucoup de pornographie et il y a un lien évident entre la pornographie et leurs actes de viol. J’ai aussi remarqué que ces hommes propagent le stéréotype de la « prostituée heureuse » et de la « travailleuse du sexe », ils aiment justifier leur comportement en prétendant que la pornographie et la prostitution sont anodines—ces hommes recyclent la propagande produite par les trafiquants. Et ces clients, qui sont des hommes ordinaires, sont aussi très malins : Ils savent très bien cacher ce qu’ils font. Et je veux aussi insister sur le fait que parler de « travail du sexe » et prétendre que l’industrie du sexe est une bonne chose fait du mal aux filles et aux femmes. C’est la propagande des proxénètes, et nous devons refuser de la soutenir.


Francine Sporenda, Universitaire en retraite (maître de conférence, Johns Hopkins University) et journaliste.
Responsable rédactionnelle du site Révolution féministe, ex-membre du bureau de l’association féministe Les Chiennes de garde.

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Publié par COLLECTIF CAPP

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