LA CRISE DU PORNO : les effets sur les enfants.

Lecture 6 min – par Laure Delpech et Tami Dellagiustina


L’actualité du moment concernant la pornocriminalité se divise en deux : les dangers du porno pour les enfants, et les dangers du porno pour les femmes. Côté protection des mineurs nous sommes face à un échec total. En revanche, pour ce qui est de la reconnaissance de la criminalité de cette industrie nous avançons fort.

Le Sénat vient de publier un rapport foudroyant de 150 pages. Celui-ci en arrive à la conclusion que 90% des scènes pornographiques comportent de la violence.

C’est la première fois qu’en France, une analyse concrète est réalisée sur notre réalité, contrairement aux campagnes hypocrites sur la protection des enfants, menées par les proxénètes eux-mêmes.

Ces campagnes hypocrites ont eu comme résultat la création d’un site pitoyable, mis en place par le gouvernement, en collaboration avec … des proxénètes. 

Sur cette plateforme, financée par nos impôts donc, parents et enfants pourront découvrir une vidéo de “l’actrice” et productrice de films X, Nikita Bellucci, qui croit pertinent de rappeler que le porno, ça n’est “que du cinéma”, pendant que nos 4 sénatrices en charge de révéler la réalité de l’industrie affirment preuves à l’appui le contraire. On peut aussi y voir comme conseil vidéo, les productions de Sexy Soucis qui affirment que l’on « peut-être féministe ET regarder du porno« .
Ce qui nous paraît le plus grave, c’est l’absence totale d’explications auprès des parents sur les raisons pour lesquelles le porno est dangereux pour les enfants. Le site rappel que :

  • 62 % des jeunes ont vu leurs premières images pornographiques avant d’entrer au lycée, soit avant 15 ans, 
  • que plus de 82% des mineurs ont été exposés à des contenus pornographiques
  • que le smartphone est le support le plus utilisé par les jeunes pour visionner des vidéos pornographiques, 2/3 des enfants de moins de 12 ans possèdent un smartphone.

D’accord c’est bien cette soudaine prise de conscience des dangers du porno envers les enfants. Soit, c’est très honorable. Mais pourquoi le gouvernement et les pornocrates ne vont-ils pas jusqu’au bout de leurs bonnes intentions ?
Pourquoi ne disent-ils pas concrètement en quoi le porno est dangereux ?


Et puisque visiblement le site du gouvernement ne vous apportera pas les réponses à ces questions, nous avons décidé de le faire nous-même. 


Gail Dines est fondatrice et présidente de l’organisation à but non lucratif Culture Reframed. Dédiée au développement de la résilience et de la résistance des jeunes aux médias hypersexualisés et à la pornographie, Culture Reframed s’efforce de « résoudre la crise de santé publique de l’ère numérique ». Conférencière et consultante de renommée internationale auprès d’organismes gouvernementaux d’ici et d’ailleurs, Mrs. Dines a été décrite comme “l’une des principales spécialistes et militantes de la lutte contre le porno dans le monde”.

Sur son site personnel, elle explique les dégâts que le porno et la culture porno causent sur vos enfants, filles ou garçons :

Il est essentiel que nous comprenions toutes et tous l’impact de la crise du porno :

Loin d’être une affaire privée, Culture Reframed – l’organisation dirigée par le Dr Gail Dines – considère le porno comme « la crise de santé publique de l’ère numérique ». Mais, de même que de l’industrie du tabac, qui a nié pendant des décennies le lien avéré entre tabagisme et cancer du poumon, l’industrie du porno – avec l’aide d’une machine de relations publiques bien huilée – réfute à son tour l’existence de plus de 40 ans de recherches empiriques de l’impact de ses produits.

La crise du porno signifie que le porno est largement disponible gratuitement en ligne – que ce soit via Snapchat et Instagram – ou en cliquant sur le plus grand site porno d’internet, Pornhub. Le porno sert malheureusement de principale forme “d’éducation sexuelle” pour des millions d’enfants. Et qu’apprennent-ils ? Que la violence, ou simplement le fait d’avilir et d’humilier son ou sa partenaire, est une pratique tout à fait courante et saine des relations sexuelles
Des recherches approfondies ont montré que le porno nuit à la santé sociale, émotionnelle, cognitive et physique des individus, des familles et des communautés. Ces études démontrent également que le porno façonne notre façon de penser le genre, la sexualité, les relations, l’intimité, la violence sexuelle et l’égalité des sexes.


FAITS CONCERNANT LE PORNO

  • Les sites pornographiques reçoivent chaque mois plus de visiteurs que Netflix, Amazon et Twitter réunis.
  • Environ un tiers de tous les téléchargements web aux États-Unis sont liés au porno.
  • Pornhub – qui se décrit comme « le premier site pornographique gratuit au monde » – a reçu 33,5 milliards de visites en 2018.
  • Dans une analyse de contenu des films pornographiques les plus vendus et les plus loués, les chercheurs ont constaté que 88 % des scènes analysées contenaient des agressions physiques : bâillonnement, étouffement, fessée et gifle. (En France c’est 90% d’après le rapport du Sénat).
  • 50 % des parents sous-estiment la quantité de films pornographiques vus par leurs adolescents.
  • Une méta-analyse de 22 études réalisées entre 1978 et 2014 dans sept pays différents a conclu que la consommation de pornographie est associée à une probabilité accrue de commettre des actes d’agression sexuelle verbale ou physique, quel que soit l’âge.
  • Une méta-analyse a trouvé « une association positive significative globale entre la consommation de pornographie et les attitudes soutenant la violence contre les femmes ».
  • Dans une étude portant sur des étudiants américains, les chercheurs ont constaté que 83% d’entre eux ont déclaré avoir vu de la pornographie grand public et que ceux qui en avaient vu étaient plus susceptibles de déclarer qu’ils commettraient un viol ou une agression sexuelle – s’ils savaient qu’ils ne seraient pas pris – que les hommes qui n’avaient pas vu de pornographie au cours des 12 derniers mois.
  • 30 études évaluées par des pairs depuis 2011 révèlent que la consommation de pornographie a des effets négatifs et néfastes sur le cerveau.

Une grande partie du porno en ligne est gratuit, de sorte que l’âge moyen de la première exposition au porno – intentionnellement ou accidentellement – est estimé par certains chercheurs à 12 ans, et les plus jeunes ont 8 ans…

Le porno est devenu “l’éducation sexuelle” de facto pour les jeunes, car de nombreux parents ne savent pas à quel point le porno est répandu dans les médias populaires, réseaux sociaux pour adolescents.

Mais il y a plus inquiétant encore:  Dans une étude britannique 44 % des garçons âgés de 11 à 16 ans , consommateurs réguliers de films X, déclarent que le porno en ligne leur donnent des idées sur le type de sexe qu’ils voudraient essayer.

La crise de la pornographie compromet radicalement le développement sain des enfants et des jeunes, et contribue à accroître les inégalités, les dysfonctionnements et les violence sexuelles.


LES EFFETS DU PORNO SUR LES GARÇONS :

Des recherches approfondies ont révélé que les garçons exposés à la pornographie dès leur plus jeune âge sont plus susceptibles :

  • d’avoir des attitudes qui soutiennent le harcèlement sexuel et la violence contre les femmes.
  • de croire aux « mythes » de la culture du viol qui justifient ou défendent le viol.
  • d’avoir de moins bons résultats scolaires.
  • d’avoir moins d’empathie pour les victimes de viol.
  • d’avoir des tendances comportementales de plus en plus agressives.
  • de faire pression sur leurs partenaires pour qu’ils aient des rapports sexuels de type porno (nuisibles, douloureux, dégradants, agressifs, etc.).
  • d’éprouver des difficultés à nouer des relations intimes.
  • de développer des préoccupations sexuelles et une utilisation compulsive d’Internet.
  • de présenter des niveaux accrus de dysfonctionnement érectile.
  • de souffrir d’anxiété, de dépression, d’une faible estime de soi et d’une perte d’intimité.

MÉDIAS HYPERSEXUALISÉS :

Les filles sont affectées par leur propre utilisation du porno et par celle des garçons, mais elles sont également soumises à une culture saturée de « médias hypersexualisés » aussi appelée culture porno, qui réduisent les filles et les femmes à des objets sexuels.

Plus de 20 ans de recherches montrent que l’exposition à des images sexualisées contribue à l’autosexualisation des filles (définie comme le fait de s’engager intentionnellement dans des activités visant expressément à paraître plus attrayantes sexuellement), ce qui conduit souvent les autres à les réduire à l’état d’objet et est corrélé à une autosurveillance et une honte de son propre corps plus importantes.

L’exposition à ce type de matériel est liée à des sentiments de honte, d’anxiété liée à l’apparence, de problèmes et d’insatisfaction corporels, de troubles de l’alimentation, de faible estime de soi et de dépression. Il est prouvé que pour certaines adolescentes, l’exposition aux médias sexualisés est associée à une plus grande activité sexuelle et à une tolérance accrue de la violence sexuelle. Cette exposition a également conduit à une augmentation du victim-blaming (cibler et condamner les victimes) et à une diminution de l’empathie envers les survivantes de viols.

Les effets des médias hypersexualisés sur les filles :

Des recherches approfondies ont montré que les filles exposées dès leur plus jeune âge à des images hypersexualisées de la culture pop sont plus susceptibles :

  • d’avoir des niveaux accrus d’anxiété et de dépression.
  • de souffrir d’une faible estime de soi.
  • d’avoir une tendance accrue à développer des troubles alimentaires (TCA) et à s’automutiler.
  • d’avoir un comportement sexuel à risque.
  • de développer une image corporelle négative et de s’objectiver.
  • ont une probabilité accrue de consommer des drogues et de l’alcool.
  • sont plus susceptibles de sextoter et d’être victimes de violences sexuelles.

FAITS CONCERNANT LES ENFANTS ET LE PORNO

  • 39 % des jeunes de 14 ans déclarent avoir vu du porno, et environ un tiers des jeunes disent l’avoir vu pour la première fois à l’âge de 12 ans ou avant.
  • Les mineurs qui regardent de la pornographie et d’autres médias sexualisés adherent davantage aux violences sexuelles et sont plus susceptibles de croire aux « mythes » de la culture du viol (comme le mythe selon lequel « les femmes aiment être violées »).
  • On constate au bout de 6 mois d’utilisation accrue de la pornographie en ligne une reduction significative des résultats scolaires des garçons.
  • 15 ans est l’âge moyen de réception d’un sexto.
  • Chez les adolescents, il existe une relation significative entre l’utilisation fréquente de la pornographie et les sentiments de solitude et de dépression majeure.
  • Une étude portant sur des jeunes de 14 à 19 ans a révélé que les femmes qui consomment des vidéos pornographiques courent un risque nettement plus élevé d’être victimes de harcèlement sexuel ou d’agression sexuelle.
  • Une étude britannique a révélé que 44 % des garçons âgés de 11 à 16 ans qui consomment de la pornographie ont déclaré que le porno en ligne leur donnait des idées sur le type de relations sexuelles qu’ils voulaient essayer (NSPCC)
  • 75 % des femmes de 18 ans déclarent que « la pornographie a exercé une pression sur les filles et les jeunes femmes pour qu’elles agissent d’une certaine manière ».
  • 70 % des jeunes de 18 ans déclarent que « la pornographie conduit à des attitudes irréalistes » en matière de sexe et que « la pornographie peut avoir un impact négatif sur la vision qu’ont les jeunes du sexe ou des relations ».
  • Dans une étude portant sur de jeunes adolescents, 66 % des garçons ont déclaré avoir consommé du porno au cours de l’année écoulée ; cette exposition précoce à la pornographie était corrélée à la perpétration de harcèlement sexuel deux ans plus tard.
  • Une étude portant sur 804 garçons et filles italiens âgés de 14 à 19 ans a révélé que les garçons qui regardaient de la pornographie étaient beaucoup plus susceptibles de déclarer avoir harcelé sexuellement une camarade ou forcé quelqu’un à avoir des relations sexuelles.

8% des suspects sont des enfants :

Cette culture porno et cette industrie ont des conséquences réelles et visibles : Selon le bilan annuel du service de statistique ministériel de la sécurité intérieure, sur 25 600 plaintes recensées en 2018, 2143 enfants de moins de 13 ans ont été mis en cause pour des faits de violences ou harcèlement sexuels. Près de 8% des suspects de violences sexuelles sont donc des enfants.

La part de mineurs condamnés pour des violences sexuelles ne cesse d’augmenter dans la statistique judiciaire. 11 fois plus nombreux en 2010-2011 qu’en 1984-1985 (étude Mucchielli, 2014), 18% des mis en cause pour infractions sexuelles sont des mineurs de moins de 18 ans. La proportion s’élève à 39% pour les viols sur mineurs (étude Tournier, 2008). Entre 1996 et 2018, le nombre de mineurs mis en cause pour viols sur des mineurs a nettement augmenté, avec une évolution de + 279%. 

Et vous ne voyez toujours pas le lien avec l’explosion du porno en ligne ?

A LIRE : « De l’inutilité de rechercher la « pornographie féministe » »

VOUS VOULEZ DES SOLUTIONS ?

  • Le livre de Gail Dines est disponible en français au Éditions Libres. Un outil indispensable pour comprendre à quel point l’industrie porno est tentaculaire et criminelle. En France, les outils pour s’éduquer à parler des dangers du porno à nos enfants sont inexistants.
  • Pour les parents anglophones, le site Culture Reframed propose un programme en ligne complet et gratuit à l’intention des parents de préadolescents pour les aider à entamer la conversation avec leurs préadolescents. Nous tenterons d’en faire une traduction de ce programme, mais pour cela nous avons besoin de votre soutien.
  • Notre travail au sein de CAPP est bénévole : Un don nous permettra de réaliser plus d’articles, de podcasts et de vidéos pour vous aider avec vos enfants.

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Publié par COLLECTIF CAPP

Collectif de survivantes de la porno prostitution et de féministes radicales.

Un avis sur « LA CRISE DU PORNO : les effets sur les enfants. »

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