PARTIE III – Positions du STRASS sur le proxénétisme
Une position ambigüe :
Le STRASS a une position ambigüe et souvent contradictoire sur le proxénétisme. A première vue, cette association semble se positionner contre le proxénétisme. Sur le site du STRASS (1), on peut en effet lire régulièrement à la fin des posts le slogan suivant :
NI PATRON, NI PROXO, TRAVAIL SEXUEL LIBRE
Ce slogan fut d’ailleurs scandé la manifestation organisée par le STRASS le 1er mai 2013 pour la fête des travailleurs (2).
De plus, Morgane Merteuil affirme à la fin de son livre Libérez le Féminisme (3) que le STRASS a entre autre pour objectifs, de lutter contre :
le proxénétisme, l’esclavage, le trafic d’être humains et l’exploitation sexuelle des enfants, en étant un lieu de réflexion et d’élaboration d’un travail du sexe autogéré et choisi. La piste de la création de coopératives composées de travailleur.euse.s s’associant librement est d’ailleurs souvent évoquée lors de nos discussions. (p.131)
En réalité, les positions du STRASS sur le proxénétisme ne sont pas énoncées toujours très clairement. Nous allons les étudier ci-dessous.
Proxénétisme de soutien vs proxénétisme de contrainte :
La définition en France du proxénétisme est large. L’article Article 225-5 du Code Pénal affirme que :
Le proxénétisme est le fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit :
1° D’aider, d’assister ou de protéger la prostitution d’autrui ;
2° De tirer profit de la prostitution d’autrui, d’en partager les produits ou de recevoir des subsides d’une personne se livrant habituellement à la prostitution ;
3° D’embaucher, d’entraîner ou de détourner une personne en vue de la prostitution ou d’exercer sur elle une pression pour qu’elle se prostitue ou continue à le faire.
Le proxénétisme est puni de sept ans d’emprisonnement et de 150000 euros d’amende.
L’article 225-6 précise que les intermédiaires (dont ceux passant des annonces) ou les personnes vivant grâce aux revenus issus de la prostitution d’autrui, sont assimilés à des proxénètes.
Le STRASS prend alors bien soin de distinguer le « proxénétisme de soutien » du « proxénétisme de contrainte ». Il souligne, avec raison, que l’enfant majeur·e ou le conjoint·e d’un·e prostitué·e risque d’être assimilé·e à un·e proxénète, ou encore que le fait pour une prostituée de prêter une camionnette à une « collègue » est légalement du proxénétisme (4). Le STRASS base son argumentaire sur le fait qu’il peut y avoir des condamnations abusives, dans le sens où une personne qui aide simplement un·e prostitué·e peut être condamnée. Par exemple, en 1971, un coiffeur a été condamné pour proxénétisme pour avoir fait entrer dans son salon des prostituées qui tentaient d’échapper à un contrôle policier (5).
Cependant, nous n’avons pas de données sur la fréquence des condamnations abusives. Quand bien même nous en aurions, cela n’excuse pas de vouloir modifier la définition de proxénétisme ou le code pénal et mettre les femmes et enfants en danger.
Le STRASS affirme que « En lisant attentivement chaque cas régulièrement cité dans la presse de faits divers, la majorité des condamnations pour proxénétisme se porte bien plus contre les travailleurs du sexe que sur les personnes exploitant notre travail.» (6). Mais aucun exemple concret ou chiffre précis n’est donné pour appuyer ce propos ( et en 2022 cette affirmation est non seulement fausse, mais CAPP réalise le travail de vieille sur ces affaires.)
A lire : PROSTITUTION 2022 : Les affaires dont personne ne veut parler
On peut se demander par ailleurs à partir de quel stade le STRASS considère qu’il y a exploitation. Par exemple, le 7 décembre 2012, Morgane Merteuil réagissait sur son compte Twitter à un article sur une affaire de proxénétisme, dans laquelle un couple qui organisaient la prostitution de jeunes brésiliennes dans des hôtels, avait été condamné (7). Morgane Merteuil s’est insurgée contre ce verdict, disant que ce n’était pas de l’exploitation et que personne n’aurait dû être condamné. Si dans l’article, il est précisé que le couple était très « gentil » et n’a pas usé de violence, il est tout de même question de « pression financière énorme».
Le STRASS considère-t-il qu’il n’y a exploitation uniquement qu’en cas de violence physique ? Morgane Merteuil a aussi déclaré, toujours par rapport à cette affaire de proxénétisme, qu’il n’était pas normal que l’on puisse poursuivre quelqu’un pour proxénétisme si personne n’avait porté plainte. Or, il est évident que s’il fallait attendre que les victimes puissent porter plainte pour poursuivre quelqu’un pour proxénétisme, les proxénètes ne seraient jamais inquiétés.
En Allemagne, le témoignage d’une victime est nécessaire pour que les poursuites pour proxénétisme soient lancées. Dans la réalité, apeurées et dépendantes, elles ne témoignent jamais, ce qui conduit à une situation d’impunité des proxénètes (8) (le proxénétisme est déjà, en lui-même légal : il est autorisé de tirer profit de la prostitution d’autrui. Néanmoins, les situations de violences ne sont pas autorisées, mais dans les faits, les proxénètes ne sont jamais condamnés).
De plus, s’il est vrai que les lois actuelles sur le proxénétisme peuvent agir comme des épées de Damoclès au-dessus de la tête des prostitué·e·s et de leurs proches, on peut quand même souligner qu’elles protègent les prostitué·e·s contre certaines formes d’exploitation.
Par exemple, comment lutter contre le phénomène grandissant des « Lover Boys », ces hommes qui usent de séduction pour convaincre leur jeune conjointe de se prostituer (9) ? Comment lutter contre les cas où l’époux exploite la prostitution de sa femme, en la manipulant et en la maintenant sous emprise (10) ?
On notera aussi qu’en Catalogne, le fait de tirer profit directement de l’exploitation d’autrui, est interdit contrairement à ce qui se passe en Allemagne ou au Pays-Bas. Les politiques catalanes ont par contre autorisé en 2002 l’exploitation hôtelière et festive. Il s’agit donc de la légalisation d’une forme de « proxénétisme de soutien », le proxénétisme hôtelier qui consiste à louer des chambres à des prostituées pour les passes. Officiellement, les énormes bordels de la Jonquera ne sont donc que des complexes hôteliers. Pour autant, la situation est devenue incontrôlable, la prostitution étant aux mains de proxénètes contrôlant le flux des femmes majoritairement étrangères, qui échouent au Paradise, au Dallas (11) ou dans la rue si elles font partie de la marchandise low-cost (12).
A lire sur le proxénétisme espagnol : AMELIA TIGANUS : Survivante de la prostitution et Antispéciste
Notons que le propriétaire du « plus gros bordel d’Europe », le Paradise, a été jugé en février 2012 pour le trafic de femmes brésiliennes (13), tandis que le démantèlement récent (février 2013) d’un réseau a permis de découvrir que 215 Roumaines étaient prostituées en tant qu’esclaves au Dallas (14).
Ainsi, si on peut sans doute souhaiter une amélioration de la loi, pour qu’elle soit plus précise et ainsi éviter les condamnations abusives, dépénaliser complètement le « proxénétisme de soutien » risque fortement d’amener à des situations d’exploitation extrême.
Mais, en réalité, le STRASS ne se contente pas de défendre ce qu’il nomme le « proxénétisme de soutien », c’est-à-dire l’aide à la prostitution. Il supporte également la dépénalisation du proxénétisme en tant que « patronat », c’est-à-dire le fait de tirer profit de la prostitution d’autrui.
Le proxénétisme, un patronat comme un autre :
A l’époque des « Putes », Maîtresse Nikita et Thierry Schaffauser affirmaient clairement leur opposition à toute forme de salariat, notamment dans leur livre Fières d’être putes (15) . Mettant en avant leur « refus de la réouverture des maisons closes et du salariat dans ce cadre », ils revendiquaient le « droit de former des coopératives autogérées par les travailleuses du sexe elles-mêmes » (p. 102). Ils disaient également à propos du Parti Radical de Gauche, qui apparaît premier dans leur classement des « partis les moins putophobes » :
Ils se positionnent contre toute forme de répression et réfléchissent à quel statut nous accorder afin de lutter efficacement contre le proxénétisme et pour le libre choix des personnes. Christiane Taubira s’était déjà prononcée en 2002 pour un « réglementarisme dissuasif » contre toute forme d’exploitation et de proxénétisme. (p.98)
A première vue, le petit frère des « Putes », le STRASS, s’oppose lui-aussi au proxénétisme « traditionnel » à savoir au fait qu’un tiers puisse tirer profit de la prostitution pour autrui. Ainsi, dans un communiqué daté de 2009 (16) et consacré aux maisons closes, le STRASS indique :
Nous sommes contre les maisons closes parce que :
Nous refusons de travailler au profit du tenancier d’une maison close comme nous nous opposons à toute forme d’exploitation et parce que 100% des revenus issus du travail du sexe doivent revenir au travailleur lui-même.
Nous refusons qu’une personne tierce nous impose ou influe dans le choix de nos clients, de notre prévention, de nos pratiques et de nos tarifs.
Dans plusieurs communiqués de 2010 (4,17,18), le STRASS réitère cette volonté de s’opposer à toute forme de salariat pour le « travail sexuel », rappelant juste que, selon eux, la criminalisation du « proxénétisme de soutien » pénalise les prostitué·e·s :
Sur le proxénétisme en particulier, le STRASS s’est régulièrement exprimé contre toute forme de salariat ou d’exploitation du travail sexuel, et donc de proxénétisme. Or, les lois sur le proxénétisme sont le plus souvent contre-productives et criminalisent autant si ce n’est plus les travailleurs du sexe plutôt que les proxénètes.(4)
A lire ces communiqués ou encore les déclarations de Morgane Merteuil dans son livre Libérez le féminisme, il est clair que le STRASS s’oppose au proxénétisme « traditionnel ».
Pourtant, certaines choses semblent indiquer qu’un glissement s’est opéré, et que cette opposition à une forme de salariat s’apparente à présent plutôt à un discours de surface. En décembre 2010, on pouvait lire sur le site du STRASS (6) :
Un proxénète, pour les autres travailleurs, s’appelle simplement un employeur. Et si l’on compare l’industrie du sexe avec d’autres secteurs économiques, la part de revenus confisquée par un employeur sur le fruit du travail est souvent bien plus grande. Pour 35 heures de travail par semaine, la part de revenus tirée du travail du sexe sera souvent relativement plus importante. Où est donc l’exploitation ? Nous croyons qu’elle est partout et qu’elle définit tout travail. Mais en focalisant uniquement sur le travail du sexe qui serait défini comme “exploitation sexuelle” a contrario de travail, on fait comme si le travail n’était pas non plus une forme d’exploitation.
Le raisonnement semble assez paradoxal : l’exploitation existe de toute façon partout dans le monde du travail, et alors, il faudrait la relativiser dans le cas du « travail du sexe ». Pourquoi le STRASS ne se félicite pas au contraire du fait que l’exploitation soit dénoncée comme telle dans la prostitution, et ne propose pas d’appliquer ce raisonnement à l’ensemble du salariat ?
Mais Morgane Merteuil va encore plus loin : avoir un patron quand on est prostitué·e présenterait certains avantages. C’est ce qu’elle avance en tout cas dans un post datant de mai 2012 sur le forum du Parti Pirate (19), tout en se défendant de soutenir le modèle du patronat :
Ainsi, si beaucoup d’entre nous préfèrent évidemment rester indépendantes, certaines peuvent préférer être « employées », autrement dit « salariées »; pour ne parler que de mon expérience personnelle, j’ai commencé en bar à champagne : j’avais donc un patron; mais je travaillais en sécurité, je n’avais rien à gérer; […] .aujourd’hui je suis escort indépendante; tout l’argent me revient, certes, mais je pense être moins en sécurité. alors oui, j’ai eu la chance en bar d’avoir un patron « sympa », j’entends par là que je restais la seule à décider de si je montais ou pas avec un client, de ce que je faisais là haut, etc etc… Il faut évidemment une législation qui garantisse ces droits aux tds dans ce cas de figure. Je ne défend évidemment pas le patronat, et je suis plutôt favorable au modèle de bordels autogérés, mais de fait, il faut prendre en compte qu’une tds peut préférer travailler avec un patron.
Ce post fait étrangement écho à l’un des passages de son livre. Dans un paragraphe intitulé « Pute si je veux, soumise si je veux ! Pour un féminisme inclusif » et dans lequel elle explique que le féminisme devrait lutter pour la « liberté à être soumise » (sic), elle écrit :
La possibilité de se prostituer, de même que celle de se soumettre à l’autorité de quelqu’un, que ce soit le temps d’un jeu de rôle ou parce qu’on trouve cette position plus confortable car moins responsabilisante, doit également exister. Le féminisme doit permettre que les femmes puissent aussi bien être putes si elles veulent, que soumises quand elles le veulent (p.121)
Quelle étrange idée de souhaiter qu’un mouvement d’émancipation – le féminisme en l’occurrence – milite pour que les opprimées aient la possibilité d’être soumises ! Comme si la société n’invitait et ne contraignait déjà pas assez les femmes à avoir un statut social bas.
Il est difficile d’affirmer que Morgane Merteuil pense au proxénétisme quand elle écrit sur le choix et les avantages à se soumettre à l’autorité, mais ce qui est certain, c’est qu’elle prétend qu’il peut être « plus confortable » d’être dominé·e dans certaines situations. Dans ce cas-là, pourquoi combattre les dominations ?
Remarquons aussi que dans un article de 2010 (20), l’une des porte-parole du STRASS, Thiphaine Besnard, se disait favorable à la réouverture des maisons closes. L’article a été supprimé du site où il était publié, sans aucune explication, mais une copie reste disponible sur un blog, Libertés Internets. Pourquoi cette suppression ? Difficile de répondre à cette question, mais les déclarations de Thiphaine Besnard sont pour le moins intrigantes.
Par ailleurs, Morgane Merteuil est allée en Allemagne en novembre 2012, et ses propos sur Twitter au sujet du modèle allemand ont été pour le moins surprenants pour quelqu’un affirmant défendre les droits des prostitué·e·s. Elle a déclaré que le modèle allemand était « moins pire » que ce qu’elle pensait, bien mieux que celui de la France, en tout cas. Quand quelqu’un lui demanda si elle ne considèrerait pas que c’était « l’enfer », étant donné la légalisation du proxénétisme, elle se contenta de répondre « pas plus que quand je me promène en France et que je vois des salariés partout ». Il transparait donc de nouveau que le proxénétisme est assimilé à une forme de salariat comme un autre – et non pas comme des rapports sexuels contraints – et que, de toute façon, comme il existe déjà partout ailleurs dans le monde du travail, autant l’accepter aussi dans la prostitution.
A lire : J’ai travaillé une année en Allemagne comme prostituée
A lire : COVID-19 : L’échec réglementariste dans la protection des prostituées
Elle ira jusqu’à montrer une photo d’un bordel allemand, de façon plutôt enthousiaste, et en en commentant la décoration… Cela semble particulièrement cynique quand on sait qu’en Allemagne, la traite a explosé (21) et que les conditions de « travail » sont particulièrement éprouvantes dans ces bordels. Ainsi au Pasha, un bordel de Cologne (qui a fermé sous la crise du COVID), les prostituées sont obligées d’effectuer certaines pratiques, comme les fellations sans préservatifs. Elles doivent également assurer 10 heures de « travail » d’affilée (22). *Autant vous dire que le Pasha ne manquera pas aux femmes*
A lire : ALLEMAGNE : « On baise sans capote, on s‘en fout du corona »
Le STRASS ne se contente donc pas de défendre la légalisation d’une forme de « proxénétisme de soutien » qui serait prétendument favorable aux prostituées, par exemple des formes de coopératives auto-gérées. Il défend aussi le « choix » des prostitué·e·s à avoir un patron, et donc, surtout le « choix » d’exploiter la prostitution d’autrui.
Notons que le STRASS se place sous le patronage du « Manifeste des sex workers en Europe », qui soutient le proxénétisme et l’industrie du sexe :
« Nous demandons à ce que les entreprises de travail sexuel soient réglementées par les normes standard des entreprises » (23).
Ce manifeste demande également l’abrogation des lois « qui criminalisent ceux et celles avec et pour qui nous travaillons, les organisateurs, organisatrices, et managers qui respectent de bonnes pratiques, nos clients et clientes et nos familles » (23). En termes législatifs, le STRASS demande régulièrement et publiquement, l’abrogation des lois condamnant le proxénétisme, et souhaite tout simplement que « les lois du droit commun et le code du travail contre les violences, l’extorsion de revenus et l’exploitation soient appliquées. » (4), ce qui permettait donc l’instauration d’une prostitution salariée. Le STRASS, contrairement à ce qu’il avance, ne s’oppose donc pas à la réouverture de maisons closes, mais au contraire, soutient leur légalisation.
Note juillet 2014 : un billet sur le site du STRASS, Note du STRASS sur la PREP en direction des travailleur-se-s du sexe, datant de mai 2014 (24), réclame clairement la légalisation du proxénétisme : « Le travail sexuel doit être dépénalisé dans son ensemble (clients, travailleurSEs du sexe, famille et entourage, tierces parties). »
Les tierces parties désignent les proxénètes.
Par ailleurs, revenons sur les mails échangés entre Thierry Schaffauseur et IUSW (International Union of sex workers), le faux syndicat géré par des proxénètes, dans lesquels Thierry affirme lors de son congédiement être en total accord avec les principes fondamentaux de l’IUSW qui sont : « L’inclusion de TOUS LES ACTEURS dans l’industrie du sexe (…) quel que soit le rôle »


1. STRASS – Syndicat du Travail Sexuel. at <http://site.strass-syndicat.org/>
2. Evenement Facebook : Manifestation des travailleurSEs : MAY DAY. Facebook at <https://www.facebook.com/events/459159460826170/>
3. Merteuil, M. Libérez le féminisme ! (L’Editeur, 2012).
4. Lettre ouverte à Cécile Duflot. STRASS – Syndicat du Travail Sexuel (2010). at <http://site.strass-syndicat.org/2010/03/lettre-duflot/>
5. Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 20 octobre 1971, 71-90.379. at <http://droit-finances.commentcamarche.net/jurisprudence/cour-de-cassation-1/publies-1/1148019-cour-de-cassation-chambre-criminelle-du-20-octobre-1971-71-90-379-publie-au-bulletin>
6. Décriminalisez entièrement le travail du sexe. STRASS – Syndicat du Travail Sexuel (2010). at <http://site.strass-syndicat.org/2010/12/decriminalisez-entierement-le-travail-du-sexe/>
7. Moreau, F. Bordeaux : un couple organisait la prostitution de jeunes brésiliennes. Sud Ouest (2012). at <http://www.sudouest.fr/2012/12/06/trois-ans-de-prison-ferme-pour-les-proxenetes-900214-2780.php>
8. ‘Les proxénètes sont comme coq en pâte’ [en Allemagne, depuis la loi de 2002]. Caloupile (2012).
9. Legardinier, C. Les loverboys, proxénètes new look. Egalité (2010). at <http://www.egalite-infos.fr/2010/11/25/les-loverboys-les-proxenetes-new-look/>
10. Le mari proxénète écroué pour un an. L’Aise Nouvelle (2013). at <http://www.aisnenouvelle.fr/article/faits-divers-%E2%80%93-justice/le-mari-proxenete-ecroue-pour-un-an>
11. Un réseau de proxénètes démantelé à la frontière espagnole. France Info (2013). at <http://www.franceinfo.fr/faits-divers/un-reseau-de-proxenetes-demanteles-a-la-frontiere-espagnole-899039-2013-02-21>
12. La Jonquera : les proxénètes louent les ronds-points 2000 euros. La Clau (2011). at <http://www.la-clau.net/info/la-jonquera-les-proxenetes-louent-les-ronds-points-2000-euros-6712>
13. Moysset, L. Prostitution clandestine à La Jonquère : ‘Elles partent quand elles veulent’. Midi Libre (2012). at <http://www.midilibre.fr/2012/02/20/le-patron-de-maisons-closes-exploitait-il-des-bresiliennes,460545.php>
14. Moysset, L. 215 jeunes prostituées roumaines travaillaient en ‘esclaves’ au Dallas. L’Independant (3013). at <http://www.lindependant.fr/2013/02/21/215-jeunes-prostituees-roumaines-travaillaient-en-esclaves-au-dallas,1729517.php>
15. Maîtresse Nikita & Schaffauser, T. Fières d’être putes. L’Altiplano (2007). at <http://www.laltiplano.fr/ouvrages/fieresdetreputes.php>
16. Réouverture des maisons closes, mise au point sur la position du STRASS. STRASS – Syndicat du Travail Sexuel at <http://site.strass-syndicat.org/2009/11/reouverture-des-maisons-closes-mise-au-point-sur-la-position-du-strass/>
17. Christine LeDoaré réfléchit elle ? STRASS – Syndicat du Travail Sexuel (2010). at <http://site.strass-syndicat.org/2010/03/christine-ledoare-reflechit-elle/>
18. PROSTI TUÉES ! STRASS – Syndicat du Travail Sexuel (2010). at <http://site.strass-syndicat.org/2010/08/prosti-tuees/>
19. Merteuil, M. La prostitution : mafias, abolition, liberté, corps…. Forum du Parti Pirate (2012). at <http://forum.partipirate.org/societe-solidarite/prostitution-mafias-abolition-liberte-corps-t7663-15.html#p62331>
20. Mekdem, K. La vie de Tiphaine, 24 ans, dominatrice sado-maso. Bondy Blog (2010). at <http://libertesinternets.wordpress.com/2010/05/02/la-vie-glamour-de-tiphaine-prostituee-si-loin-de-la-realite-des-mineures-albanaises-torturees-sur-le-boulevard-des-marechaux/>
21. Dale, Y. German’s legalized prostitution brought more exploitation than emancipation to women. Examiner (2010). at <http://www.examiner.com/article/german-s-legalized-prostitution-brought-more-exploitation-than-emancipation-to-women>
22. Les proxénètes, nouveaux héros médiatiques internationaux ! Nous sommes toutes des femmes de chambre (2012). at <http://angrywomenymous.blogspot.fr/2012/12/les-proxenetes-nouveaux-heros.html?showComment=1356888544624#c2465621308265818506>
23. Feu « Verts » au proxénétisme ! Lettre ouverte du Mouvement du Nid aux Verts. Mouvement du Nid (2010). at <http://www.mouvementdunid.org/Feu-Verts-au-proxenetisme-Lettre>
24. Note du STRASS sur la PREP en direction des travailleur-se-s du sexe. STRASS – Syndicat du Travail Sexuel at <http://www.strass-syndicat.org/2014/05/note-du-strass-sur-la-prep-en-direction-des-travailleur-se-s-du-sexe/>
PARTIE IV – Malhonnêteté intellectuelle du STRASS
L’abolitionnisme, un discours de haine : la putophobie
L’idée fondamentale du mouvement abolitionniste est la suivante : la prostitution constitue une violence sexuelle envers la personne prostituée, de la part du client, et souvent du proxénète quand il est question de proxénétisme. En effet, les passes sont assimilées à des rapports sexuels contraints, contraints soit par la violence physique ou psychologique, soit au minimum par une pression financière. La plupart du temps il s’agit d’une violence masculine sur des femmes, car les client sont quasiment tous des hommes (1), les proxénètes le sont aussi majoritairement (2), tandis que les personnes prostituées sont principalement des femmes (3).
Il est normal et sain qu’il y ait des désaccords et des débats autour de cette idée. Ce qui l’est moins, en revanche, c’est de considérer que cette idée relève du discours de haine. Or, une partie de la rhétorique du STRASS est fondée là-dessus : les discours abolitionnistes seraient des discours de haine à l’égard des prostituées, des discours « putophobes ».
Le terme putophobie apparaît pour la première fois dans le livre de Maîtresse Nikita et Thierry Schaffauser, Fières d’être putes (4). Derrière ce terme, le STRASS amalgame plusieurs choses : à la fois les discours méprisants et stigmatisants dont sont victimes les prostituées de la part de la société, les lois injustes les pénalisant (en particulier la loi sur la sécurité intérieur de 2003), les violences policières à leur égard, mais aussi et surtout les discours abolitionnistes. En revanche, le STRASS ne parle jamais de putophobie quand il s’agit des clients ou des proxénètes.
Morgane Merteuil écrit, dans son livre Libérez le féminisme (5), à propos des idées abolitionnistes :
Les féministes anti-prostitution ne cessent de crier que non, elles n’ont rien contre les putes ; mais alors pourquoi dépenser tant d’énergie à nous victimiser en nous cherchant des excuses ? Pourquoi sans cesse nous demander de justifier pourquoi et comment « on en est arrivées là » ? Derrière cette bienveillance officielle consistant à nous trouver des « circonstances atténuantes » et à vouloir nous « sortir de là » se cache en réalité une peur, qui, souvent, s’accompagne d’un sentiment de rejet, voire de haine : la putophobie.(p.78-79)
Dans une tribune publiée en janvier 2013 sur Minorité et Rue 69, intitulée Homophobie, putophobie, même combat ?, Morgane Merteuil dresse un parallèle entre l’homophobie et le discours abolitionniste (6). Thierry Schaffauser avait déjà effectué cette comparaison dans une tribune sur Yagg en 2009 (7). Enfin, on la retrouve aussi sur le site du STRASS (8) :
Les discours abolitionnistes se fondent en effet sur une diabolisation du travail sexuel et une psycho-pathologisation des travailleurSEs du sexe usant des mêmes ressorts que les discours homophobes : caution par quelques gays ou putes ayant intériorisé le stigma au point de se détester elles et eux-mêmes, Les discours abolitionnistes se fondent en effet sur une diabolisation du travail sexuel et une psycho-pathologisation des travailleurSEs du sexe usant des mêmes ressorts que les discours homophobes : caution par quelques gays ou putes ayant intériorisé le stigma au point de se détester elles et eux-mêmes, assimilation à la pédophilie, explications du choix d’opter pour certaines pratiques sexuelles par une enfance probablement incestueuse, volonté de « réadaptation » (à l’hétérosexualité, au travail acceptable), discours haineux en tous genres.
Il est pourtant curieux de comparer ce qui relève de sa sexualité (l’orientation sexuelle) à ce qui relève d’une activité économique (la prostitution).
Par ailleurs, le STRASS confond allégrement « abolir la prostitution » et « abolir les prostituées ». Un communiqué de STRASS datant de septembre 2012 explique que « qu’abolir la prostitution, c’est abolir les putes » (9). Un des scoop-it de Morgane Merteuil s’intitule « #Prostitution : putes en lutte : paroles de celles qui ne veulent pas être abolies ». Morgane Merteuil parle également souvent de « féministes anti-putes » au lieu de « féministes anti-prostitution » ou de « féministes anti-prostitueurs/anti-proxénètes » (5). Sur Twitter, enfin, elle définit les abolitionnistes comme étant les personnes «qui veulent abolir les putes ».
Est-ce que donc, selon le STRASS, les abolitionnistes de l’esclavagisme tenaient un discours haineux à l’égard des esclaves ? Souhaitaient-ils « abolir les esclaves » ? Est-ce que les personnes souhaitant l’abolition du salariat sont salariaphobes ? Sont-ils « anti-salarié·e·s » ? On voit là la limite du raisonnement qui consiste à confondre la volonté d’abolir d’une situation oppressante et violente, avec la volonté d’ « abolir » les personnes qui subissent cette situation.
Puisque les abolitionnistes seraient porteurs d’un discours de haine, il est alors facile pour le STRASS de justifier les insultes et harcèlement à leur encontre, et de les présenter comme des réactions d’auto-défense tout à fait légitimes. Insultes et harcèlement à l’égard d’abolitionnistes.
Commençons par préciser une chose : nous ne prétendons pas que les militant·e·s abolitionnistes sont tou·te·s des personnes irréprochables et pacifiques, loin de là. Cependant, aucun représentant officiel d’associations abolitionnistes n’insulte ou ne harcèle régulièrement des militants pro-STRASS.
A l’inverse, plusieurs représentants du STRASS ont insulté publiquement des abolitionnistes, notamment sur les réseaux sociaux. Nous nous contenterons de donner quelques exemples tirés de Twitter ci-dessous :
Réduire au silence d’autres voix :
Pour commencer, il nous semble important de préciser l’origine du néo-abolitionnisme, celui consistant à considérer clients et proxénètes comme des agresseurs et à souhaiter donc leur pénalisation. Ce mouvement est né en Suède suite la publication en 1977 d’un rapport d’une enquête totalement révolutionnaire sur la prostitution. Cette enquête avait mis particulièrement l’accent sur les témoignages de prostituées interrogées. Kajsa Ekis Ekman, journaliste féministe et anarchiste, écrit dans son livre l’Être et la marchandise à propos de ce rapport long de 800 pages (10) :
Ce [rapport] eut l’effet d’une bombe. Ce fut un point tournant qui a complètement changé le point de vue de la société sur la prostitution. Il est venu modifier l’orientation des recherches menées à ce sujet dans toute la Scandinavie. La prostitution, tout comme le viol, était devenue une affaire politique.
Le mouvement néo-abolitionniste est donc né à partir de l’écoute de témoignages de prostituées. Et, personnellement, nous espérons que les ex-prostituées qui se dénomment « survivantes de la prostitution » prennent de plus en plus d’importance dans notre mouvement et puissent un jour constituer une association.
Ainsi, quand le STRASS martèle « Il faut écouter les premières concernées », « il faut écouter les putes », il a parfaitement raison et rejoint les positions abolitionnistes. Le STRASS n’a donc pas tout à fait tort quand il affirme qu’il est violent, de la part de certain·e·s militant·e·s abolitionnistes, d’affirmer que les prostituées se disant heureuses dans leur situation sont forcément aliénées ou sont contrôlées par des proxénètes. Il faut bien évidemment écouter toutes les prostitué·e·s et ne pas remettre en question systématiquement leur témoignage, s’il ne convient pas à notre vision des choses. Les militant·e·s abolitionnistes peuvent certes avoir à l’esprit les propos d’Ulla, célèbre pour avoir milité activement pour les droits des personnes prostituées dans les années 1970, avant d’admettre qu’elle avait été manipulée par son proxénète : « Comment avez-vous pu me croire ? » reprochera-t-elle aux féministes (11).
On peut aussi penser à l’ex-prostituée Rosen Hicher, qui a longtemps milité pour la réouverture des maisons closes, avant de devenir une fervente abolitionniste (12). Cependant, entre adhérer complètement à un discours, et le rejeter d’office, il y a sans doute une place pour une position plus nuancée.
Mais ce que font certain·e·s abolitionnistes – à savoir remettre en question d’office le témoignage de certaines prostituées -, le STRASS le fait aussi… à l’égard des prostituées ou des ex-prostituées témoignant des violences inhérentes à la prostitution.
Ainsi, Morgane Merteuil ironise à propos survivantes de la prostitution dans son livre Libérez le féminisme :
Une des représentations favorites des anti-putes est la « survivante de la prostitution ». Partout, celles qui « s’en sont sorties » sont exhibées, on pleure sur leur épaule. Elles sont la preuve vivante que l’on ne peut se prostituer sans, un jour ou l’autre, le regretter, et haïr la pute que l’on a été. C’est avec une grande humilité qu’elles viennent s’auto-flageller en public pour dénoncer leurs mensonges passés, leurs mensonges envers elles-mêmes, lorsqu’elles se croyaient heureuses et libres. Elles ne peuvent être que sincères, elles qui, par empathie pour les femmes, viennent révéler les horreurs qu’elles vivaient en tant que putes. Elles se sont désaliénées, sont rentrées dans le droit chemin, celui du bien et du vrai. Acclamons-les ! Enfin, pas trop fort tout même, elles sont encore fragiles, et jamais leurs blessures ne se refermeront. Prosternez-vous donc devant elles, et buvez leur vérité qui vous donnera tous les arguments pour vous sentir légitimes lorsque vous irez cracher vos bonnes intentions sur toutes ces putes dans le déni et qui refusent de se repentir.(p.89-90)
Par ailleurs, dans chacune de leur tribune faisant un parallèle entre le discours abolitionniste et l’homophobie, Thierry Schaffauser et Morgane Merteuil ont comparé les prostituées ou ex-prostituées abolitionnistes aux homosexuel·le·s qui se détesteraient au point d’adhérer aux discours des homophobes. Schaffauser écrit ainsi (7) :
Il y a toujours des mouvements chrétiens qui proposent la même chose et présentent comme modèles de réussite des « ex-gays » ou des « survivantes de la prostitution ». Malheureusement, si les « ex-gays » sont jugés comme un mouvement homophobe, les « survivantes de la prostitution » ont encore pour beaucoup une légitimité plus grande que les putes activistes qui développent un discours politique sur elles-mêmes.
Et Morgane Merteuil (6) :
[Les homophobes et les putophobes] arrivent même généralement à trouver un ou deux pédés ou une ou deux putes ayant intériorisé le stigma et la haine d’elleux-mêmes jusqu’à aller dans leur sens : vous avez Xavier Bongibault, nous avons Rosen Hicher… Des témoignages individuels, toujours des témoignages individuels, cautions pathétiques au refus de l’égalité des droits, et sur lesquels se fondent nos ennemis pour justifier qu’ils connaissent mieux le sujet que nous et savent donc mieux que nous ce qui est bon pour nous.
Quand le 21 avril 2013, sur Twitter, un utilisateur fait remarquer que le STRASS adopte exactement le comportement qu’il reproche aux abolitionnistes, à savoir ignorer la parole de certaines prostituées, Morgane Merteuil admet que oui, elle les juge, mais sans argumenter davantage car « elle n’a plus la patience ». Thierry Schaffauser répondra lui, que les « survivantes » reprennent « les discours putophobes ».
Ce même jour, et toujours sur Twitter, Morgane Merteuil affirmera qu’une ex-prostituée abolitionniste, militant sur internet sous le pseudonyme d’Artémise, était un fake, c’est-à-dire un personnage crée de toute pièce, en l’occurrence ici par un homme abolitionniste. Un prétexte pour la bloquer.
Par ailleurs, Morgane Merteuil souligne aussi régulièrement qu’on voit peu « les putes abolos » ou les survivantes. Ainsi elle a raillé le fait que « seulement » trois survivantes se soient exprimées lors de l’événement abolitionniste du 13 avril organisé par Abolition 2012.
Or non seulement il est extrêmement éprouvant pour des survivantes de parler de ce qu’elles ont vécu, surtout à visage découvert vu le stigmate dont sont victimes les prostituées et ex-prostituées, mais en plus certaines attaques à leur égard de la part de certains opposants à l’abolition ne leur facilitent pas la tâches. Un exemple ancien, mais parlant, est celui de Maldy Bonheur, survivante et autrice du livre J’ai tourné la page (13), qui lors d’un colloque organisé par la sénatrice Dinah Derycke le 15 novembre 2000, a cherché à discuter en fin de séance avec des femmes revendiquant le statut de « travailleuses du sexe ». Elle a été reçue avec une telle violence que quinze jours plus tard elle développa un zona auriculaire qui engendra une paralysie faciale et une surdité à l’oreille droite (14,15). Il est hors de question pour les abolitionnistes de renouveler ce genre d’expérience.
Enfin, Thierry Schaffauser et Morgane Merteuil sont aussi très adeptes du discours « Y’a qu’à » au sujet des prostituées abolitionnistes. Ainsi, toujours le soir du 21 avril 2013 sur Twitter, Morgane Merteuil dira que « les putes abolos [n’]ont qu’à changer de métier au lieu de vouloir mettre les autres dans la merde ».
Thierry Schaffauser a quant à lui réagi, sous son pseudo habituel, zezetta, sur le forum de Doctissimo à la sortie en 2008 du livre Mes chères études dans laquelle une ex-prostituée « indépendante », Laura, témoigne de son parcours, A l’époque, le STRASS n’existait pas encore sous sa forme actuelle, mais son ancêtre, les Putes, avaient déjà été fondé par Maîtresse Nikita et Thierry Schaffauser. Les propos de ce dernier à propos de l’expérience de Laura, et notamment des viols qu’elle y a subis, sont glaçants :
Je m’en fous de Laura D qu’elle aille bosser a McDo.. (16)
je n’ai rien contre elle en tant que telle. Si elle veut se vivre en victime tant mieux pour elle et je lui souhaite plein de gens pour la plaindre. (17)
Je veux bien être d’accord avec toi sur le fait qu’elle soit une victime puisqu’elle se présente comme telle.
Maintenant pour moi un viol ça veut dire un viol et pas un rapport sexuel qu’on recherche en pensant que c’est de l’argent facile et parce qu’on est dans une recherche christique d’auto-humiliation.
Alors oui je suis dure parce que y a des personnes qui vivent de vrais viols et parce qu’elles sont putes ne peuvent pas enregistrer de plaintes, et a qui on va dire pour toi ce n’est rien puisque c ton boulot… un viol tarife comme tu dis… (18)
Alors que les représentants du STRASS admettent donc « s’en foutre » du sort ou de l’opinion de certaines prostitué·e·s, ils prétendent dans le même temps que leur organisation représente les prostitué·e·s dans leur ensemble. Sur leur site, on peut lire «Le STRASS représente touTEs les travailleurSEs du sexe » (19). Dans les communiqués du STRASS, on se rend également compte que l’expression « écouter les travailleur·se·s du sexe » est souvent utilisée à la place de « adhérer aux positions du STRASS ». En juin 2011, une invitation à une conférence de presse (20), dont un des contacts presse est Maîtresse Gilda, affirmait à propos du rapport Bousquet que « les responsables politiques ne sont toujours pas disposé-es à écouter la parole des travailleur-ses du sexe », phrase que l’on peut comprendre par « « les responsables politiques ne sont toujours pas convaincu-e-s par les arguments du STRASS ».
Comme le note assez justement un article de la fondation Scelles21, le STRASS a demandé en juin 2012 à être reçu à Matignon (22), et a pu obtenir un peu plus d’un mois plus tard un entretien avec Najat Vallaud-Belkacem. Le STRASS, qui se plaint de ne pas être écouté, y a pourtant mis fin de lui-même, prétextant que celui-ci « prenait de plus en plus la forme d’une mascarade » (23). A l’inverse, la présidente de «L’association pour les droits, la reconnaissance et la protection des prostituées », Nathalie Bordes-Prevost, ressortit de son entretien avec la ministre en disant « Elle m’a écouté, c’est une femme qui a un grand coeur », alors même qu’elle s’oppose à la pénalisation des clients (24).
Ainsi, quand on exprime son désaccord vis-à-vis du STRASS, ce serait parce qu’on refuserait d’écouter les « travailleur·se·s du sexe », et non pas parce qu’ayant lu ou écouté des témoignages divers, on se serait fait une opinion sur la prostitution qui diffère de celle du STRASS. Et ce désaccord serait une déclaration de guerre à l’égard de tou·te·s les prostitué·e·s.
Nous noterons enfin, toujours dans la discussion Twitter du 21 avril, que Morgane Merteuil affirmera que le STRASS n’a pas le pouvoir de « silencier » les paroles des prostituées non partisantes de leurs positions. La fondation Scelles note cependant que, parmi les 88 articles de presse de 2012 critiquant la volonté d’abolition la prostitution, un tiers étaient écrits par, ou consistaient en des interviews, des membres du STRASS (21).
Pour conclure le STRASS, tout en se posant comme représentant de tou·te·s les prostitué·e·s, décide de discréditer certains témoignages.
Note juillet 2014 : entre avril 2013 et aujourd’hui, les représentant·e·s du STRASS ont renouvelé leur propos méprisants sur les survivantes de la prostitution, notamment lors de leur audition à l’Assemblée Nationale et au Sénat.
Thierry Schaffauser a également affirmé, lors d’un débat télévisé sur France 24 en novembre 2013, que les personnes prostituées qui venaient chercher de l’aide auprès d’associations et qui comparaient les passes à des viols, « jouaient les victimes » (25) (à voir ici http://youtu.be/RHHR9TqSzvs autour de 15min40).
1. Les clients en question. Enquête d’opinion publique. (Mouvement du Nid, 2004). at <http://www.mouvementdunid.org/IMG/pdf/ClientQuestionOpPublique.pdf>
2. Herbert, M. De plus en plus de femmes proxénètes en France. Le Figaro (2010). at <http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/07/30/01016-20100730ARTFIG00626-de-plus-en-plus-de-femmes-proxenetes-en-france.php>
3. Rapport mondial sur l’exploitation sexuelle. (Fondation Scelles, 2012).
4. Maîtresse Nikita & Schaffauser, T. Fières d’être putes. L’Altiplano at <http://www.laltiplano.fr/ouvrages/fieresdetreputes.php>
5. Merteuil, M. Libérez le féminisme ! (L’Editeur, 2012).
6. Merteuil, M. Homophobie, putophobie, même combat ? Rue89 (2013). at <http://www.rue89.com/rue69/2013/01/14/homophobie-putophobie-meme-combat-238567>
7. Schaffauser, T. Sortir du placard de la prostitution. Yagg (2009). at <http://yagg.com/2009/03/19/opinions-debats-sortir-du-placard-de-la-prostitution-par-thierry-schaffauser-travailleur-du-sexe/>
8. Pourquoi nous ne prendrons pas la parole au rassemblement contre l’homophobie. STRASS – Synd. Trav. Sex. (2013). at <http://site.strass-syndicat.org/2013/04/pourquoi-nous-ne-prendrons-pas-la-parole-au-rassemblement-contre-lhomophobie/>
9. CP du Strass : « Quand le PCF fait taire et exclut les travailleurSEs du sexe ». Collect. Droits Prostit. (2012). at <http://droitsetprostitution.wordpress.com/2012/10/03/cp-du-strass-quand-le-pcf-fait-taire-et-exclut-les-travailleurses-du-sexe/>
10. Stuart. Prostitution – Abolition de la victime et défense postmoderniste du statu quo. Sisyphe (2011). at <http://sisyphe.org/spip.php?article4001>
11. France : Comment avez-vous pu me croire? Cybersolidaires (2002). at <http://cybersolidaires.typepad.com/ameriques/2002/09/comment_avezvou.html>
12. Rosen : Je me suis autodétruite. Si j’avais continué, je serais morte. Prostit. Société (2012). at <http://www.prostitutionetsociete.fr/temoignages/rosen-je-me-suis-autodetruite-si-j>
13. Bonheur, M. J’ai tourné la page. (Accord éd., 1994).
14. Sandra, Huayra & Trinquart, J. Atelier Prostitution et Mondialisation. in (2012). at <http://cailloutendre.unblog.net/?p=2427>
15. Le système de la prostitution. Une violence à l’encontre des femmes. (Commission Nationale Contre les Violences envers les Femmes, 2002). at <http://www.feministes-radicales.org/wp-
content/uploads/2010/11/Markovitch-Le-syst%C3%A8me-de-la-prostitution.-Une-violence-%C3%A0-lencontre-des-femmes-2.pdf>
16. zezetta. Laura D ‘mes chères études’. Doctissimmo – FORUM Sex. -Prostit. (2008). at <http://forum.doctissimo.fr/doctissimo/prostitution/etudes-cheres-laura-sujet_150491_1.htm#t394168>
17. zezetta. Laura D ‘mes chères études’. Doctissimmo – FORUM Sex. -Prostit. (2008). at <http://forum.doctissimo.fr/doctissimo/prostitution/etudes-cheres-laura-sujet_150491_1.htm#t394185>
18. zezetta. Laura D ‘mes chères études’. Doctissimmo – FORUM Sex. -Prostit. (2008). at <http://forum.doctissimo.fr/doctissimo/prostitution/etudes-cheres-laura-sujet_150491_1.htm#t394197>
19. A propos du STRASS. STRASS – Synd. Trav. Sex. at <http://site.strass-syndicat.org/about/>
20. Attaquées sur tous les fronts les travailleuses du sexe et ceux qui les défendent contre-attaquent. UNALS – Union Natl. Assoc. Lutte Contre Sida (2011). at <http://www.unals.org/index.php?id=130>
21. La pertinence de la transparence. Fond. Scelles (2013). at <http://www.fondationscelles.org/index.php?option=com_content&view=article&id=35:la-pertinence-de-la-transparence&catid=11:evenements&Itemid=143#notes1>
22. Le syndicat du travail sexuel veut être reçu à Matignon comme les autres. Midi Libre (2012). at <http://www.midilibre.fr/2012/06/01/le-syndicat-du-travail-sexuel-veut-etre-recu-a-matignon-comme-les-autres,510158.php>
23. Le STRASS a rencontré Mme. Vallaud-Belkacem : le STRASS demande toujours sa démission. STRASS – Synd. Trav. Sex. (2012). at <http://site.strass-syndicat.org/2012/07/le-strass-a-rencontre-mme-vallaud-belkacem-le-strass-demande-toujours-sa-demission/>
24. Najat Vallaud-Belkacem interpellée par une prostituée. Dépêche Midi (2012). at <http://www.ladepeche.fr/article/2012/09/22/1446082-interpellee-par-la-prostituee.html>
25. Prostitution en France : faut-il pénaliser les clients ? (Partie 2) – #DébatF24. (2013). at <http://www.youtube.com/watch?v=RHHR9TqSzvs&feature=youtube_gdata_player>
Conclusion : les concepts philosophiques et politiques du STRASS
Le STRASS se présente souvent comme un syndicat de travailleur·se·s, féministe et situé politiquement au niveau de la gauche radicale. Ainsi il est écrit sur son site qu’il représente « touTEs les travailleurSEs du sexe, quels que soient leur genre ou le type de travail sexuel concerné» (1). Par ailleurs, on apprend également que « Le STRASS accorde une attention particulière aux femmes – en adoptant une position féministe fondée sur le droit de chacune de disposer librement de son corps»1. Le STRASS appartient également à un collectif se revendiquant féministe, le collectif « 8 mars pour toutes » (2). Morgane Merteuil dira dans une tribune «[Le] féminisme [des abolitionnistes] est bourgeois : il consiste à permettre aux femmes d’accéder aux privilèges de classe. Notre féminisme est révolutionnaire : il consiste à abolir ces classes. », se plaçant dans une perspective marxiste (3). Dans une interview, elle se range du côté du « féminisme d’extrême gauche », s’opposant à ce qu’elle nomme le « féminisme institutionnel », qui serait représenté par des associations abolitionnistes comme Osez le Féminisme (4).
Mais qu’en est-il réellement ?
Une défense des travailleur·se·s ?
Le STRASS se présente comme un syndicat défendant les « travailleur·se·s du sexe ». Alternative Libertaire a déjà déconstruit de manière très claire cette notion5 et il nous a semblé pertinent de reprendre leur analyse :
Le Strass nous répond qu’il n’est pas pro-prostitution. En tant que militant-es communistes libertaires, bien souvent aussi syndicalistes, nous lui répondons qu’il nous semble qu’il y a une confusion qui revient constamment dans ses propos, une ambivalence. S’agit-il d’un syndicat de défense « de la légalité du travail sexuel » ou d’un « syndicat de défense des travailleurs et travailleuses du sexe » ? Nous pensons que le nom du syndicat est sans ambiguïté, il s’agit d’un syndicat de défense du « travail sexuel » et non de défense des travailleurs du sexe au sens où l’a entendu le mouvement ouvrier. Le Strass est un syndicat qui défend les intérêts d’une corporation de métier, c’est un syndicat de défense d’artisans du travail sexuel. Or, un syndicat de travailleurs au sens du mouvement ouvrier ne défend pas un métier, mais des travailleurs contre les abus des patrons.
[…]
Le second point de divergence d’un point de vue syndical tient selon nous au rapport au métier. En tant que communistes libertaires et que syndicalistes, nous ne considérons pas que le maintien d’un emploi soit toujours la priorité lorsqu’il met en danger la santé des travailleurs ou des citoyens en général. […]
Refuser de légitimer la transformation de la sexualité en travail, cela ne signifie pas renoncer à soutenir les prostitué-es, mais cela conduit à défendre la possibilité pour les personnes prostitué-es d’accéder à d’autres emplois ou de défendre le droit au logement et à la formation professionnelle pour tous.
Nous ajouterons aussi que bien loin de défendre les « travailleur·se·s du sexe » contre les « abus des patrons », le STRASS minimise régulièrement l’exploitation dont sont victimes les prostitué·e·s, et a déjà présenté la subordination à un patron comme pouvant présenter des avantages. Tout ceci a été détaillé dans les parties II et III de cet article.
Enfin, le STRASS n’a pas les statuts d’un syndicat, d’abord parce que la prostitution n’est pas considérée comme une profession en France. Ensuite, parce que le STRASS ne remplit par certains critères, notamment celui de la transparence financière6. Pour finir, on peut adhérer au STRASS sans être « travailleur·se·s du sexe » (7), ce qui n’est pas habituellement le cas des syndicats (même si seul·e·s « les travailleur·se·s du sexe » peuvent voter en assemblée générale)
Le consentement au cœur de la réflexion du STRASS :
Le STRASS met très régulièrement en avant le consentement des « travailleur·se·s du sexe ». Morgane Merteuil a par exemple consacré une tribune entière sur le consentement des prostitué·e·s (8). Pourquoi un tel focus sur cette notion de consentement ?
Cela peut s’expliquer par le fait que le consentement est un critère prédominant de la validité d’un contrat. Or, selon le STRASS, une passe consiste en un contrat passé entre le client et la prostituée. On peut ainsi lire sur le site du STRASS, qu’un·e prostitué·e doit « imposer ses conditions aux hommes dans le cadre du contrat sexuel en parlant avant, que ce soit au sujet de la durée, des pratiques, de la prévention et des règles du consentement (9). » ou encore que « Un client c’est celui qui respecte le contrat. Un agresseur c’est celui qui ne respecte pas le contrat (10). » Morgane Merteuil dira dans une interview au sujet de la prostitution, qu’ « au final, les conditions sont données dès le départ, elles sont franches, on part sur un contrat honnête. (11)» et dans une autre « Le travailleur sexuel propose une prestation qu’il réalise avec son corps, mais il fait aussi travailler sa tête ! Il y a des choses qu’il accepte de faire, d’autres qu’il ne fait pas et, pendant la prestation, il garde à tout moment le contrôle de ce qui se passe (12) ».
Le STRASS, on l’a vu, ne s’oppose pas au proxénétisme, et de la même façon, y voit souvent un contrat honnête. Ainsi une femme trafiquée peut avoir été d’accord pour venir : c’est de l’exploitation, mais « consentie » (!), nous rappelle Thierry Schaffauser. De la même façon, une femme prostituée se mettant au service d’un patron y trouve également des avantages, car elle sera mieux protégée et aura moins de responsabilité, nous dit Morgane Merteuil sur le forum du Parti Pirate (13).
Cet idéal de liberté, que serait la liberté de contracter, fait furieusement penser aux idéaux des libertariens, qui rêvent d’une société où les interactions entre individus seraient régies par des contrats librement consentis, et où l’État aurait un rôle minimal.
Puisqu’il s’agit de contrats, il s’agirait donc d’un bon procédé, où les deux partis seraient gagnants. Mais les représentant·e·s du STRASS ignorent délibérément les rapports de force qui peuvent lier les deux partis. Ils ignorent dans leur raisonnement qu’une femme prostituée, stigmatisée, souvent pauvre, souvent étrangère, parfois mineure, subissant régulièrement des violences, peut difficilement faire respecter ses conditions face à des hommes occidentaux, qui eux, payent pour un service et exigent qu’il soit à la hauteur de leurs attentes. Ils omettent également de préciser à quelle pression financière ou à quelle violence peuvent être soumises les personnes prostituées, qui sont alors prêtes à accepter certaines pratiques difficiles, voire dangereuses, comme les fellations sans préservatif. Enfin, ils oublient les lois du marché, impitoyables. Ils ignorent aussi dans le cas du proxénétisme-salariat qu’un contrat passé entre un·e employé·e et un employeur consiste en une subordination, une subordination contractuelle, certes, mais une subordination quand même. Et c’est d’ailleurs bien la rupture de ce lien de lien de subordination des travailleur·se·s par rapport aux propriétaires de capitaux qui est visée par l’abolition du salariat (14).
Ainsi, tout comme les libéraux et notamment les libertariens, le STRASS ignore complètement les déterminants sociaux ou l’aliénation des individus : ils les présentent comme des act·eur-rice·s économiques faisant des choix rationnels. La façon simpliste que le STRASS a de décrire le système prostitutionnel et ses act·eur-rice·s ressemble à celle des libertariens. Ainsi, Walter Block, un célèbre théoricien libertarien écrit dans son livre de 1975 Défendre les indéfendables à propos de la prostitution (15) :
La prostituée peut se définir comme quelqu’un qui a choisi de pratiquer de plein gré la transaction de services sexuels contre rétribution. […]
La prostituée ne considère pas la vente de relations sexuelles comme dégradante. Une fois pris en compte les avantages (heures de travail réduites, haute rémunération) et les inconvénients (harcèlement par la police, versement de commission obligatoire à son souteneur, conditions de travail médiocres), la prostituée préfère manifestement son métier, sinon elle ne continuerait pas à l’exercer. […]
Dans l’expérience des prostituées, il y a — bien sûr — de nombreux aspects négatifs qui apportent un démenti à l’image de la « putain heureuse ». Il y a des prostituées qui sont des droguées, des prostituées qui sont battues par des proxénètes, et des prostituées qui sont retenues dans des bordels contre leur gré. Néanmoins, ces aspects sordides ont peu de rapport avec la carrière intrinsèque de la prostitution. […]
La prostituée gagne [à avoir un proxénète]. Elle gagne le temps qui autrement aurait été perdu à la chasse au client. […] Elle est aussi protégée par le proxénète. […] La prostituée n’est pas plus exploitée par le proxénète que le fabricant ne l’est par le vendeur qui racole des acheteurs pour lui, ou l’actrice qui verse à un agent un pourcentage de ses gains afin qu’il lui trouve de nouveaux rôles. Dans ces exemples, l’employeur, grâce aux services de l’employé, gagne plus que ne lui coûte son salaire. Si tel n’avait pas été le cas, la relation employeur-employé ne se serait pas établie. La relation de la prostituée avec le proxénète (d’employeur à employée) apporte les mêmes avantages.
Ce discours ressemble beaucoup à celui du STRASS sur plusieurs points :
- les prostitué·e·s choisiraient leur « travail « et le préféreraient à un autre. Morgane Merteuil dit par exemple dans son livre (16) qu’elle préfère « tailler des pipes » à « pleins d’autres boulots minables » (p11). Elle dira aussi lors d’une interview qu’elle « préfère être escort plutôt que travailler en usine » (12).
- les souffrances que vivent de nombreuses personnes prostituées seraient dues non pas à la prostitution elle-même, mais aux conditions dans lesquelles elle s’exerce. Le STRASS ne considère pas que la prostitution soit elle-même problématique, mais dénonce régulièrement la dégradation de « l’environnement de travail » des prostitué·e·s. On peut par exemple lire sur leur site « nous luttons pour que la prostitution ne constitue plus jamais une violence, pour que celles et ceux qui ont choisi de l’exercer puissent le faire dans de bonnes conditions » (17)
- les prostituées pourraient trouver des avantages à avoir un proxénète, et les prostitué·e·s ne seraient pas plus exploité·e·s par leur proxénète que les autres employé·e·s par leur employeur (voir à ce propos la partie III sur les positions du STRASS sur le proxénétisme)
Le STRASS aime mettre également en avant la notion de choix. Prudent·e·s, ses représentant·e·s parlent plutôt de « choix contraints ». Ainsi Morgane Merteuil dira dans une interview au Monde (12) :
Les personnes qui ont des journées extrêmement difficiles sur des chantiers ou dans la restauration diraient sans doute, elles aussi, qu’elles ont fait un choix contraint. Personne ne songerait à leur rétorquer, comme on le fait avec nous, que leur consentement ne vaut rien et qu’elles sont aliénées.
Or il est évident qu’avoir le choix entre la peste et le choléra ne peut pas constituer un idéal de liberté… Si Morgane Merteuil a certes raison de choisir la possibilité qui lui paraît la moins pire, il est par contre étonnant qu’elle érige le « choix contraint » comme un idéal de liberté. Dans cette même interview, elle ajoutera d’ailleurs « Pour moi, l’émancipation, cela consiste au contraire à vivre selon ses propres désirs. ». Elle se contredit donc complètement puisqu’elle est donc d’accord pour dire qu’un « choix contraint » n’est pas synonyme d’émancipation et n’a donc pas de valeur absolue en termes de liberté…
En conclusion, selon une vision très libertarienne, le STRASS considère que le consentement est le seul critère permettant de déterminer si une situation est légitime ou non. S’interroger sur un éventuel vice de consentement serait infantilisant et reviendrait à la négation de l’autonomie des prostitué·e·s (12,18,19). Morgane Merteuil va plus loin puisque, selon elle, relativiser la valeur du consentement dans certaines conditions reviendrait à plus ou moins légitimer le viol (8,16)… Notons que pour le STRASS, et à l’instar de certains libertariens comme Walter Block (20), le consentement légitimerait l’existence de « l’esclavage volontaire ». N’oublions pas en effet que Thierry Schaffauser et Morgane Merteuil se sont offusqués du fait que l’on ne reconnaissait pas comme valide le consentement de certaines femmes à être trafiquées et mises en esclavage par la servitude pour dettes (13,21,22)… (voir partie II)
Le refus d’être une victime :
Refuser d’être une victime : tel est le dernier et 15ème commandement du « féminisme pute », selon le STRASS (9).
A entendre le STRASS, le terme « victime » est une insulte. Les abolitionnistes, considérant que les prostitué·e·s sont victimes d’une forme de violence sexuelle, propageraient un véritable discours de haine à leur égard (voir partie IV sur la « putophobie »).
La façon dont le STRASS emploie le terme « victime » laisse à penser qu’il s’agirait d’une identité. On lit sur leur site que la position abolitionniste « essentialise [les travailleurSEs du sexe] en tant que victimes sans espoir (2)», ou encore qu’elle « enferme les travailleurSEs du sexe dans un statut de victime (23) ». Il est encore question de « rôle de victimes » dans la charte de l’association (24). Cette « essence » de victime empêcherait les prostitué·e·s d’être autonomes et les « condamne[rait] à rester sans droits (25) ».
En outre, elle les stigmatiserait : « [En Suède] le message de la loi est de considérer toutE travailleurSE du sexe comme une victime […], la stigmatisation s’est donc accrue» (26) ; Nous luttons ainsi contre l’opprobre moral à l’encontre de nos activités, qui nous place […] dans le rôle de victimes » (24). Enfin, « victime » serait un synonyme de « faible » ou « stupide »…
Dans Fières d’être Putes (27), Thierry Schaffauser et Maîtresse Nikita écrivent que « [la logique abolitionniste] désign[e] les putes comme des victimes, trop connes pour savoir ce qui est bon pour elles ».
Elisabeth Hofmann, qui a fait partie de la délégation internationale francophone Genre en Action à AWID 2012, et qui à cette occasion a rencontré une représentante du STRASS, rapporte ses arguments contre l’abolitionnisme (28) :
L’abolitionnisme ne conçoit pas les femmes comme étant actives, auteures de leurs choix. Au contraire, la vision abolitionniste les renferme dans un rôle passif… donc dans une vision essentialiste de la femme faible par nature.
Kajsa Ekis Ekman, dans son livre l’Être et la Marchandise (29) analyse cette nouvelle définition, néolibérale, de la notion de victime30 :
Comme tous les systèmes qui acceptent les inégalités, l’ordre néolibéral déteste les victimes. Parler d’un être humain sans défense, d’un être vulnérable, suppose en effet la nécessité d’une société juste et le besoin d’une protection sociale. Rendre tabou la notion de victime est une étape pour légitimer le fossé entre les classes sociales et les sexes. […]
Selon le glossaire de l’Académie suédoise, une victime est « quelqu’un ou quelque chose qui devient une proie pour quelqu’un ou quelque chose » ou « qui pâtit de quelque chose ». Cela signifie donc qu’une personne est victime de quelque chose ou de quelqu’un. Mais rien n’est dit ici sur le caractère de la victime […]
Cependant, la définition néolibérale de la victime réfère désormais au fait que c’est un trait de caractère. Être victime signifie qu’on est une personne faible. Nous sommes soit des victimes passives ou des sujets actifs. On ne peut pas être les deux à la fois.
Rendre honteuse la notion de victime est un outil fantastique pour contrer les luttes sociales. Si les opprimé·e·s refusent de se voir victimes, il leur sera difficile de lutter contre leur oppression. Cela ne s’applique évidemment pas qu’au cas de la prostitution. Combien de femmes disent n’avoir jamais subi le sexisme ? Combien ont du mal à admettre qu’elles puissent être aliénées ?
Il n’est alors pas étonnant que les pires réactionnaires – comme Eric Zemmour (31), Elisabeth Lévy (32), Marcela Iacub (33,34) ou Elisabeth Badinter (35,36) (tou·te·s anti-abolitionnistes, par ailleurs)- reprennent à leur compte la définition néolibérale de « victime », et se dressent en même temps contre les « discours victimaires » des minorités politiques. Entendez par là, contre leurs discours de lutte et de revendication.
A ce propos on notera que Morgane Merteuil formulera, elle aussi, à mi-mots une critique du « féminisme victimaire » dans le livre Libérez le féminisme (16) :
Mais s’il est vrai que les femmes sont les premières victimes d’un système patriarcal, sexiste, les réduire à ce statut ne va à mon avis pas dans le sens de leur émancipation. (p.103)
Il devient urgent de libérer le féminisme d’un système pseudo binaire où les êtres non dotés de pénis seraient forcément les victimes de ceux qui en sont dotés. (p.105)
Il faut inciter à l’empowerment, « la prise de pouvoir », plutôt qu’à la désolation sur son sort de victime. (p.106)
Ainsi donc, même dans sa façon d’appréhender la notion de victime, transparait une idéologie libérale dans le discours du STRASS. Cette idéologie, ce mépris des victimes, paraît a priori difficilement compatible avec la lutte pour la justice sociale, et donc avec le féminisme. Mais d’autres aspects dans le discours du STRASS nous ont semblé problématiques pour la défense des droits des femmes.
Un syndicat féministe ?
On l’a vu, le STRASS se présente comme une organisation féministe. Pourtant une chose frappe dans son discours : l’absence des hommes.
En effet, le STRASS s’attaque avant tout aux abolitionnistes, majoritairement des femmes. Un sondage fait en juin 2012 montre qu’en effet 59% des femmes françaises sont favorables à la pénalisation des clients, contre seulement 32% d’hommes (37).
Les hommes sont complètement éclipsés des analyses du STRASS. A entendre le STRASS, la prostitution est une affaire de femmes, un débat qui oppose d’une part les féministes prohibo-abolitionnistes, et d’autres part les « travailleur·se·s du sexe » et leurs allié·e·s, souvent des féministes « pro-sexe ». Les clients, les proxénètes ou encore les hommes favorables à la prostitution, passent à la trappe. Par ailleurs, on a vu (voir partie II) que la responsabilité des violences masculines, celles des clients sur les prostitué·e·s est transférée sur des femmes, les féministes abolitionnistes en l’occurrence : en effet, le STRASS considère les abolitionnistes comme responsables des violences dans la prostitution. Cette manière d’éluder les véritables responsables des violences envers les prostitué·e·s – très majoritairement des hommes – ne semble pas très compatible avec une défense des droits des femmes…
Mais le STRASS n’escamote pas seulement la question des violences masculines dans son discours : il privilégie les analyses individualistes au détriment d’une analyse politique, en termes de rapports de classe. On peut ainsi lire dans le livre Libérez le féminisme (16) de Morgane Merteuil :
L’abolitionnisme radical n’est pas une réponse pertinente, parce qu’il n’y a pas UNE forme de prostitution mais que chaque vécu est unique (p. 61)
Or un certain degré de généralisation est nécessaire à toute analyse sociologique et politique. Ce genre de poncifs (« chaque vécu est unique ») ne sert qu’à masquer les rapports de pouvoir entre classes – de sexe, de race ou sociales. Par ailleurs, on l’a vu précédemment, se focaliser sur le « consentement » et refuser de le questionner un minimum, est aussi une manière de masquer ces rapports de pouvoir.
Enfin Morgane Merteuil, dans un paragraphe de son livre, appelé « Les clients : ces mâles dominateurs ?», tourne en dérision les analyses féministes sur les rapports de pouvoir entre classes de sexe (16) :
Selon nos féministes anti-prostitution, le client, parce qu’il est un homme, et appartient en tant que tel à la classe des dominants, serait forcément face à nous, femmes, putes, un macho, un tortionnaire, pour qui la femme ne serait qu’un simple objet sexuel destiné à son plaisir. Comme si elles ne pouvaient pas concevoir que dans un rapport privé homme-femme, l’homme n’est pas forcément là pour abuser ou profiter de la femme. (p. 47).
Cette volonté de dépolitiser le « privé » et de nous convaincre que les rapports de force s’estompent dans la sphère intime est surprenante. Déjà, selon Morgane Merteuil, la prostitution est un travail (« Sex work is work » est-il écrit sur son profil Twitter) : il est donc étrange d’en parler comme d’un « rapport privé homme-femme ». Ensuite, une des grandes avancées des féministes est d’avoir su montrer que les rapports de pouvoir existent dans la sphère personnelle : le privé est politique.
Pourquoi revenir sur cet acquis ?
Le reste du paragraphe servira à minimiser les rapports de domination hommes-femmes que l’on retrouve dans la prostitution. Morgane Merteuil dira ainsi des hommes qu’ils sont aussi victimes du système patriarcal, et qu’au final, ce serait justement pour échapper au poids de leur statut de dominant, que beaucoup d’entre eux achèteraient des services sexuels. Les clients peuvent être « attendrissants, voire attachants» et « se tournent vers une pute pour trouver, simplement, de l’humanité » (p.52) conclura- t-elle.
Conclusion finale :
Le STRASS se présente comme un syndicat féministe de défense des droits des prostitué·e·s. Pourtant, il ne dénonce jamais les violences des clients et des proxénètes, préférant se focaliser son attention sur les féministes abolitionnistes. Comme l’a très bien démontré Alternative Libertaire, il s’agit plutôt d’un syndicat militant pour la reconnaissance d’un métier : la prostitution.
Le STRASS met en avant les notions de « choix », de « consentement » ou de « contrat » pour légitimer l’existence de la prostitution. Ces notions effacent complètement les rapports de pouvoir entre classes sociales, de race et de sexe. Politiquement le STRASS se situe donc plutôt dans une vue libérale, qui semble difficilement compatible avec la défense d’une justice sociale. Pourtant beaucoup de socialistes, de libertaires ou de communistes soutiennent et reprennent à leur compte les analyses du STRASS.
On pourra remarquer que dans Fières d’être Putes (27), Thierry Schaffauser et Maîtresse Nikita classe le parti Alternative Libérale, maintenant disparu, deuxième dans le classement des « partis les moins putophobes », juste derrière le Parti Radical de Gauche, disant que « les membres de ce nouveau parti se déclarent en accord avec une grande partie de nos revendications »(p. 97). A l’inverse, la plupart des partis socialistes ou de gauche radicale figurent en bas du classement, à commencer par la LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire) et le PC (Parti Communiste).
1. A propos du STRASS. STRASS – Syndicat du Travail Sexuel at <http://site.strass-syndicat.org/about/>
2. Lettre ouverte du collectif ‘8 mars pour toutes’ au NPA. STRASS – Syndicat du Travail Sexuel (2013). at <http://site.strass-syndicat.org/2013/01/lettre-ouverte-du-collectif-8-mars-pour-toutes-au-npa/>
3. Merteuil, M. On est des putes, et vous êtes quoi ? Minorité (2012). at <http://www.minorites.org/index.php/2-la-revue/1352-on-est-des-putes-et-vous-etes-quoi.html>
4. L., N. Interview de Morgane Merteuil,secrétaire générale du STRASS. Radio Londres (2012). at <http://radio-londres.fr/2012/10/interview-de-morgane-merteuilsecretaire-generale-du-strass/>
5. Réponse d’AL à la réponse du Strass du 24 août 2010. Alternative libertaire (2010). at <http://www.alternativelibertaire.org/spip.php?article3712>
6. La pertinence de la transparence. Fondation Scelles (2013). at <http://www.fondationscelles.org/index.php?option=com_content&view=article&id=35:la-pertinence-de-la-transparence&catid=11:evenements&Itemid=143#notes1>
7. Statuts. STRASS – Syndicat du Travail Sexuel at <http://site.strass-syndicat.org/about/statuts/>
8. Du « non » du viol au « oui » de la prostitution. A contrario (2012). at <http://www.acontrario.net/2012/03/05/viol-prostitution-consentement/>
9. Nous ne sommes pas que belles, ou le féminisme pute en 15 points. STRASS – Syndicat du Travail Sexuel (2010). at <http://site.strass-syndicat.org/2010/03/nous-ne-sommes-pas-que-belles-ou-le-feminisme-pute-en-15-points/>
10. VIOLS, ON ÉTOUFFE ! STRASS – Syndicat du Travail Sexuel (2013). at <http://site.strass-syndicat.org/2013/02/viols-on-etouffe/>
11. Prostitution : ‘Toutes les lois visant à protéger les femmes ont été néfastes’. France 24 (2011). at <http://www.france24.com/fr/20111207-france-loi-prostitution-assemblee-strass-morgane-merteuil>
12. Chemin, A. Morgane Merteuil : « Je préfère être ‘escort’ plutôt que travailler en usine ». Le Monde (2011). at <http://juralib.noblogs.org/2011/11/27/%C2%AB-%E2%80%A6-ce-que-je-trouve-degradant-cest-plutot-detre-trader-ou-huissier-de-justice-%C2%BB/>
13. Merteuil, M. La prostitution : mafias, abolition, liberté, corps…. Forum du Parti Pirate (2012). at <http://forum.partipirate.org/societe-solidarite/prostitution-mafias-abolition-liberte-corps-t7663-15.html#p62331>
14. Gautier, J. De 1900 à 2000, un siècle de coopération. Participer (2000).
15. Faut-il réglementer la prostitution ? Par Gustave de Molinari et Walter Block. Contrepoints at <http://www.contrepoints.org/2012/06/29/88705-reglementer-prostitution-molinari-block-prostituees>
16. Merteuil, M. Libérez le féminisme ! (L’Editeur, 2012).
17. Ne nous libérez pas, on s’en charge ! STRASS – Syndicat du Travail Sexuel (2013). at <http://site.strass-syndicat.org/2013/04/ne-nous-liberez-pas-on-s%e2%80%99en-charge%c2%a0/>
18. Désintox. STRASS – Syndicat du Travail Sexuel at <http://site.strass-syndicat.org/about/desintox/>
19. Les féministes doivent soutenir et inclure les travailleuSEs du sexe. STRASS – Syndicat du Travail Sexuel (2011). at <http://site.strass-syndicat.org/2011/02/les-feministes-doivent-soutenir-et-inclure-les-travailleuses-du-sexe/>
20. Block, W. Towards a Libertarian Theory of Inalienability: A Critique of Rothbard, Barnett, Smith, Kinsella, Gordon, and Epstein. Journal of Libertarian Studies 17, 39–85 (2003).
21. Schaffauser, T. Pénaliser les clients ou les putes migrantes ? Les mots sont importants (lmsi.net) (2012). at <http://lmsi.net/Penaliser-les-clients-ou-les-putes>
22. Schaffauser, T. Luttons sérieusement contre la traite des êtres humains. Les mots sont importants (lmsi.net) (2011). at <http://lmsi.net/Luttons-serieusement-contre-la>
23. Journée mondiale contre les violences faites aux travailleurSEs du sexe. STRASS – Syndicat du Travail Sexuel (2012). at <http://site.strass-syndicat.org/2012/12/journee-mondiale-contre-les-violences-faites-aux-travailleurses-du-sexe/>
24. Charte. STRASS – Syndicat du Travail Sexuel at <http://site.strass-syndicat.org/about/charte/>
25. Samedi 2 Juin : Manifestation 14h30 Pigalle. STRASS – Syndicat du Travail Sexuel (2012). at <http://site.strass-syndicat.org/2012/05/samedi-2-juin-manifestation-14h30-pigalle/>
26. Entretien avec Pye Jakobsson de Rose Alliance (Suède). STRASS – Syndicat du Travail Sexuel (2012). at <http://site.strass-syndicat.org/2012/12/entretien-avec-pye-jakobsson-de-rose-alliance-suede/>
27. Maîtresse Nikita & Schaffauser, T. Fières d’être putes. L’Altiplano (2007). at <http://www.laltiplano.fr/ouvrages/fieresdetreputes.php>
28. Hofmann, E. L’abolitionnisme essentialiste, l’émancipation par la prostitution, des clientes pour des travailleurs de sexe… – des notions qui interrogent. Genre en action (2012). at <http://www.genreenaction.net/spip.php?article8941>
29. Collectif. L’être et la marchandise prostitution maternité de substitution. (MEditeur, 2013).
30. Ekman, K. E. Prostitution – Rendre tabou la notion de victime pour masquer l’existence d’agresseurs. Sisyphe (2013). at <http://sisyphe.org/spip.php?article4415>
31. Zemmour, E. Prostitution : Bachelot et le modèle suédois. RTL (2011). at <http://www.rtl.fr/actualites/politique/article/eric-zemmour-prostitution-bachelot-et-le-modele-suedois-7673225896>
32. Lévy, E. Ne nous délivrez pas du mâle ! Causeur (2011). at <http://www.causeur.fr/ne-nous-delivrez-pas-du-male,10088#>
33. Clarini, J. & Van Renterghem, M. Marcela Iacub, perdue dans la lumière. (2013). at <http://www.lemonde.fr/livres/article/2013/02/28/marcela-iacub-perdue-dans-la-lumiere_1840174_3260.html>
34. Emancipation sexuelle ou contrainte des corps. (Editions L’Harmattan).
35. Audet, E. Élisabeth Badinter dénature le féminisme pour mieux le combattre. Sisyphe (2003). at <http://sisyphe.org/spip.php?article598>
36. Martin, M.-C. Elisabeth Badinter: «Avec Virginie Despentes, je me sens moins seule». Le Temps at <http://www.letemps.ch/Page/Uuid/286f01f2-b218-11df-a0da-d2fe0d65d5d5/Elisabeth_Badinter_Avec_Virginie_Despentes_je_me_sens_moins_seule#.UYlWA0rcdSE>
37. Les Français et la prostitution. Sondage Harris Interactive pour Grazia. (Harris Interactive, 2012). at <http://www.harrisinteractive.fr/news/2012/CP_HIFR_Grazia_28062012.pdf>